16 mai 2024
Que vive l'école républicaine

Vers une École «light»

À propos des ouvrages Que vive l’école républicaine! de Charles Coutel – entretien avec Philippe Petit -, éditions Textuel, 1999, 112 pages, et Pourquoi changer l’école? de François Dubet – entretien avec Philippe Petit-, éditions Textuel, 1999, 136 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 4 juin 1999.

Le vocabulaire de l’éducation dérive, entraînant par la même occasion la dérive de l’école de Jules Ferry, soutient l’auteur de Que vive l’école républicaine!. Car voici qu’au lieu d’instruire, elle paraît aujourd’hui s’employer à adapter de jeunes innocents à la société marchande, trahissant de fait sa mission première, la formation des citoyens. Se situant dans la tradition philosophique des Lumières, Charles Coutel veut répondre à la crise, vue comme l’incapacité contemporaine à transmettre les valeurs. Il faut, selon lui, s’efforcer de retrouver les ambitions philosophiques et politiques de la République: une école qui instruise afin que chacun devienne son propre éducateur. En proposant une nouvelle «méthodologie» de la réforme, l’auteur s’inspire nommément de Condorcet, fameux penseur humaniste du XVIIIe siècle. Soit, mais c’est peut-être oublier que le temps de la croyance en un progrès relayée au siècle dernier par les Saint-Simon et autre Comte a fait long feu depuis, en tout cas, les premiers drames de ce siècle et l’incapacité des pays occidentaux à intégrer des personnes d’autres cultures. C’est du moins ce que semble avoir pris en compte François Dubet dans Pourquoi changer l’école? L’auteur pointe d’abord le fait que le modèle de l’école laïque défendue par Jules Ferry n’était pas sans défauts. Il défend ensuite l’idée qu’il faut transformer l’école afin de combattre les inégalités sociales, et pour cela, proposer, quoiqu’en pense Coutel, un projet éducatif. La mission de l’école, défend-il, a en effet partie liée avec l’idéal société que l’on promeut. L’auteur, pointant l’effet conjugué des inégalités tant sociales que scolaires, cerne alors la difficulté qu’il y a de créer une école qui adapte les élèves au monde tel qu’il est sans pour autant céder devant la culture de masse et les logiques du marché et de l’emploi. Deux auteurs défendant deux points de vue différents, l’un, rétif au Lycée «light», pensant qu’il est encore possible d’intégrer, ou d’assimiler, et de transmettre des valeurs. L’autre, ouvert à une vraie réforme, constate que si nous sommes paralysés par de nombreux problèmes, c’est parce que nos représentations intellectuelles, politiques et historiques ne répondent tout simplement plus à la réalité.