13 mai 2024
point de vue

Valoriser la fonction RH

Article signé avec Bernard Carrel, DRH en milieu hospitalier, et paru dans le supplément IINDICES du journal L’Agefi de février 2017.

Le phénomène du RH Bashing a pris de l’ampleur au fil des dernières décennies. Nombreux sont nos collègues qui attestent d’une dégradation de l’image de la fonction RH et de ses acteurs, ce, aussi bien dans l’entreprise que dans la société en général, aussi bien du point de vue des salariés que de celui du grand public. De grands noms de l’enseignement des RH se sont récemment émus de ce phénomène somme toute fâcheux. Parmi eux, Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur émérite à HEC Paris, rappelle les griefs émis à l’endroit des DRH (directeurs ou directrices des Ressources humaines) qui: ne sont pas des partenaires stratégiques, n’ont pas l’appui des collaborateurs, sont trop administratifs, pensent efficacité et non pas valeur, pensent coûts et à court-terme, n’encouragent pas l’initiative personnelle et représentent finalement une voie de garage professionnellement parlant1.

Ce collègue défend alors les RH attaqués de toutes parts, à travers des articles, des films, des sketches ou même une chanson2…, par une argumentation en trois points: la fonction RH est principalement responsable du seul capital qui fait la différence dans des environnements de plus en plus concurrentiels: le capital humain; les responsabilités RH sont partagées entre les managers et la fonction RH; la réputation de l’entreprise est de plus en plus mesurée par sa capacité à répondre aux attentes de ses collaborateurs notamment en termes de développement et de reconnaissance.

Un autre auteur de nos collègues, Michel Barabel, professeur à l’IAE de Paris-Eiffel, s’attache lui aussi à repousser les assauts d’attaques devenues de plus en plus vives. À l’origine d’un groupe d’experts mis sur pied pour proposer un plan d’action afin de réhabiliter la fonction RH3, ce collègue estime que les critiques ont gagné en puissance au fur et à mesure que la notion d’«entreprise libérée» – sans hiérarchie etc. – s’est imposée avec toutes les velléités d’hubérisation de la fonction. En plus de critiques émises par C.-H. Besseyre des Horts (cf. plus haut), M. Barabel ajoute qu’il est également reproché aux acteurs RH leur inféodation à la direction et leur incapacité à concevoir l’organisation en termes de dynamique sociale. Prenant à cœur la question, il admet que les critiques sont souvent fondées et propose des lignes d’action. Il convient, selon lui, de ré-humaniser la fonction, de la rendre plus créative, et que le ou la DRH fasse preuve d’ambidextrie, c’est-à-dire à la fois exceller dans les fonctions techniques et dans l’humain, le développement, la gouvernance.

Nous-mêmes constatons que la fonction se décrédibilise et cela depuis assez longtemps. Quatre raisons nous paraissent expliquer cela: la financiarisation de l’entreprise qui est redevenue depuis une quarantaine d’années moins un collectif d’innovation qu’un espace marchand comme avant le siècle dernier; l’inattention porté au travail réel et à sa valeur; et bien sûr le court-termisme due à la financiarisation galopante autant que la paresse intellectuelle de trop nombreux et nombreuses DRH à s’inquiéter de leurs rôle, positionnement et posture.

S’il est impératif d’apporter une réponse concrète active au sein des organisations par les acteurs de la fonction RH, en particulier par ses cadres, il est tout aussi important de promouvoir des réponses à ces attaques, par le biais de l’enseignement prodigué aux acteurs RH en phase de formation de base ou de formation continue. «Enseigner et former aux “RH” aujourd’hui: enjeux pédagogiques et professionnels» était précisément le thème d’un colloque – réunissant auteurs, formateurs, chercheurs et praticiens – organisé au sein de la HEG Arc à Neuchâtel en novembre 2016 dont le but était de s’interroger sur la responsabilité des formateurs en gestion de RH et sur le contenu de la formation prodiguée.

Nous sommes bien conscients que les institutions de formation portent une part, parfois importante de responsabilité dans fragilisation de la fonction RH au sein des organisations. Par la forme et le contenu de la formation prodiguée, c’est particulièrement le cas quand l’enseignement se borne à transmettre des techniques instrumentales et des modèles à appliquer comme autant de recettes miracles. Une posture qui a tout d’une imposture par ce qu’elle se veut a-posture. Nous nous sommes résolument efforcés dans nos programmes de sortir ce cette approche limitée, donc dangereuse. Tout en reconnaissant l’importance des techniques, des processus et procédures, nous pensons qu’il est déterminant d’affronter les phénomènes des tensions et des contradictions propres à l’action collective en organisation. Qu’il est important que le souci de tout enseignant ou formateur reste le développement de l’esprit critique.

[1] http://www.hec.fr/Knowledge/Point-de-Vue/Pour-en-Finir-avec-le-RH-Bashing

2 «DRH» d’Anaïs.

3 http://www.wk-rh.fr/actualites/detail/93200/-le-drh-bashing-n-a-rien-de-constructif.html