14 mai 2024
point de vue

Responsabilité sociétale des formateurs en RH

Article signé avec Bernard Carrel, DRH en milieu hospitalier, et paru dans le supplément IINDICES du journal L’Agefi de septembre 2016 en référence à la mise en place un colloque international.

 

Dans le paysage des institutions de formation en gestion des ressources humaines, les invitations foisonnent et les produits envahissent les marchés, privés comme publics. Serait-ce un indicateur de la montée en puissance de la fonction RH dans les organisations? Un indicateur pour ces dernières de disposer d’acteurs RH professionnalisés, toujours mieux adaptés et formés au plan stratégique?

Les notions de «professionnalisation» et de «RH stratégique» sont assurément des notions polysémiques et porteuses d’ambiguïtés. Et si des acteurs RH stratégiques sont souhaités de toutes parts, à quelle fin le sont-ils? Pour suivre et imposer les lignes directrices des dirigeants ou actionnaires au pouvoir discrétionnaire? Pour développer des valeurs, des missions, des orientations des objectifs pour mieux vivre ensemble dans les collectifs d’innovation? Tandis que l’on évoque la notion de professionnalisation, il faut admettre que la fonction RH ne renvoie pas à une profession avec un statut, des prescriptions, un monopole, une corporation, une déontologie, etc.1

Dans la réalité, les approches divergent autant que les points de vue épistémologiques et ce, autant sur la forme que sur le fond. Il faut bien constater en outre que plusieurs figures de RH cohabitent ou se font concurrence au sein des entreprises. Leurs dirigeants sont bien empruntés de faire des choix devant une telle diversité de «produits» offerts par des marchés, où la cupidité supplante le plus souvent l’apport d’alternatives adaptées, efficientes et consenties.

Si les offres de formation foisonnent, c’est que les formateurs sont aussi nombreux et divers qu’ils sont différents. La question à se poser est alors celle de savoir quelles sont leurs responsabilités dans la démarche de formation des acteurs RH. On met de côté dans ce court texte les formations relatives à la gestion administrative des RH – contrats, salaires, paies, assurances sociales, etc. – pour limiter notre propos à la formation des acteurs RH ayant des activités de managers en position stratégique: acteur stratégique et structurant, contributeur de création de valeur, leadership, accompagnement et conseil2.

Qui sont les formateurs? Qui veulent-ils être? La réponse à ces deux questions est impossible à ce stade, les données et les recherches manquent. L’observateur constate cependant que leur nombre est restreint si l’on ose la comparaison avec les autres branches de gestion: économie, droit, métiers, technologies, finances… Les formateurs comme les enseignants en RH sont atomisés et partagent peu leurs démarches, leur orientation, leurs approches, le contenu de leur cours. A contrario, les publications sont nombreuses et les auteurs tout aussi prolifiques qui divulguent leurs méthodes, modèles et autres certitudes sur les solutions à adopter pour réussir. Est-ce à dire, dès lors, qu’ils ont une responsabilité dans la vacuité qui habite de nombreux acteurs RH, fébriles et fragiles au sein des organisations? Un lien de causalité ne serait pas sans fondement, dans la mesure où, par un déficit de coordination, les formateurs contribuent à rendre difficile les choix quant aux contenus et aux approches des formations offertes. On se retrouve un peu comme sur un marché consumériste: je vous présente un choix nombreux de tiroirs-solutions, à vous de choisir et débrouillez-vous. Cette situation, le plus souvent, déstabilise et obscurcit l’horizon des acteurs immergés dans les contingences des changements organisationnels.

À l’instar des entreprises soumises à la contingence environnementale de la morale ou de l’éthique qui convoque leur responsabilité sociale, voire sociétale, les formateurs des acteurs en GRH ont, à nos yeux, une responsabilité sociale, voire sociétale vis à vis des étudiants et participants à leur formation, et par conséquent envers les organisations qui les emploient ou vont les employer. Mais sur quel référentiel?

La formation et la recherche en RH basée sur l’orientation ou le modèle des tensions et des contradictions – accent mis sur les aspects contingents, conscients et inconscients, contradictoires et ambivalents des activités en organisation – offre une plate-forme et un espace d’échange, de discussions et de confrontation. Ce sera le but que s’assignent les organisateurs d’un colloque international qui aura lieu à la HEG Arc à Neuchâtel le 11 novembre prochain3. Il réunira à la fois des auteurs, des formateurs, des chercheurs en RH et des acteurs RH engagés sur le terrain des organisations.

[1] Farid Ben Hassel et Benoît Raveleau, 2012, Professionnaliser la fonction ressources humaines: Quels enjeux pour quelle utilité? Presses de l’Université du Québec.

2 Daniel Held, 2013, Réussir le partenariat stratégique: place à la posture. Modèle du partenaire stratégique revisité, Dossiers HRM, HR Today. Jobindex.

3 «Enseigner et former aux RH aujourd’hui: Enjeux professionnels et pédagogiques».