14 mai 2024
Vocabulaire de psychosociologie Enriquez

Psychosociologie, appellation presque contrôlée

À propos des ouvrages Vocabulaire de psychosociologie. Références et positions, de Jacqueline Barus-Michel, Eugène Enriquez, André Lévy, éditions Érès, 2002, 590 pages, et Les méthodes de l’intervention psychosociologique, de Gérard Mendel et Jean-Luc Prades, éditions La Découverte (collection «Repères»), 2002, 120 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 8 novembre 2002.

On peut faire remonter la psychosociologie aux expériences de l’anthropologue Elton Mayo et du psychologue Kurt Lewin, deux chercheurs venus s’établir aux États-Unis durant la première moitié du XXe siècle, l’un d’Australie, l’autre d’Allemagne, pour mettre au jour les dénominateurs communs de cette discipline carrefour.

Incarnant le mouvement des «relations humaines», Mayo s’est notamment illustré par son opposition farouche à la conception taylorienne d’individus censés ne répondre qu’à des stimuli financiers. Avec comme principale préoccupation le souci de l’intégration des travailleurs immigrés dans une démocratie moderne, une intervention célèbre dans une entreprise lui a permis d’asseoir ses vues. A travers diverses interventions en milieu social où il s’est attaché à montrer la supériorité d’approches participatives plutôt qu’autoritaires, Lewin s’est également illustré pour avoir codifié une méthode d’intervention dite de «recherche-action» qui fonde aujourd’hui encore les postures de la plupart des intervenants, psychologues ou sociologues, en milieux organisationnels. Ainsi, quand bien même la psychosociologie ne peut se poser comme une discipline à part entière, mais plutôt charnière, elle tire sa cohérence de deux dénominateurs communs, à savoir: la filiation démocratique et le souci d’interventions concrètes.

Deux ouvrages complémentaires récents apportent d’utiles éclairages sur cette discipline à l’appellation somme toute contrôlée. Sous le titre apparemment humble de «Vocabulaire de psychosociologie», l’ouvrage de Barus-Michel, Enriquez et Lévy, organisé en trois parties, est une véritable somme. Une première partie propose une trentaine d’entrées développées par différents auteurs qui aident à faire le point sur des notions telles que l’autonomie, l’autorité, le pouvoir, etc. Une deuxième partie met l’accent sur les diverses démarches et pratiques, tandis qu’une troisième présente différents auteurs de disciplines diverses – psychologie et sociologie, mais également anthropologie et philosophie –, mettant en relief le caractère décidément pluriel de la psychosociologie. L’autre ouvrage, de poche, «Les méthodes de l’intervention psychosociologique», de Mendel et Prades, présente dans le détail sept démarches d’intervention, sept courants francophones, en mettant principalement l’accent sur les méthodologies spécifiques qui les fondent et sur leurs objectifs. Sont ainsi approfondies dans un langage clair et accessible diverses approches: organisationnelle de Crozier et Friedberg, l’intervention sociologique de Touraine et Dubet, la socioanalyse de Lourau et Hess, la sociopsychanalyse de Mendel, l’intervention psychosociologique de Dubost et Enriquez, la sociodynamique du travail de Dejours, et la psychanalyse groupale de Anzieu et Kaës. Outre sa concision, un intérêt de ce livre est que l’un de ses auteurs est aussi le représentant d’un des sept courants décrits.