13 mai 2024
Théories de configurations

Par-delà le «One Best Way»

À propos de l’ouvrage Introduction à la théorie configurations: du “one best way” à la diversité organisationnelle, de Jean Nizet et François Pichault, éditions De Boeck, 2001, 195 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 7 décembre 2001.

En management, on peut suivre la tendance plus ou moins «psychologisante» actuelle, qui consiste à préconiser des mesures de développement personnel pour contrer le stress ou le mobbing, par exemple. Mais on peut également travailler en amont et interroger l’organisation du travail elle-même. C’est cette dernière voie qu’empruntent les auteurs de ce remarquable ouvrage.

Nizet et Pichault défendent l’idée que des gestionnaires avisés n’organiseront pas tous les établissements de la même manière. Par exemple, ils n’aménageront pas une institution universitaire comme ils le feraient dans le cas d’une entreprise industrielle classique. Dans la première, les opérateurs sont en général très spécialisés, alors que dans la seconde, il est fréquent qu’ils ne disposent pas d’une grande latitude dans l’organisation de leur travail. Autrement dit, il existe diverses modalités en matière de division et de coordination du travail, tant au niveau des postes – c’est-à-dire à un niveau micro-organisationnel -, qu’à celui des unités – c’est-à-dire au niveau plus macro de la structure globale. Et il faut encore prendre en compte les contextes d’environnement qui façonnent la structuration de tout groupe organisé.

Nous vivons une époque de mutations. Les organisations – les institutions du monde marchand comme celles du monde non-marchand (entreprises, administrations publiques, associations à but non lucratif, etc.) – sont ainsi constamment soumises à des transformations: processus de restructuration, de fusion, d’acquisition, de privatisations d’entreprises publiques, de recentrages sur le métier de base. Dans ces conditions, selon nos auteurs, seule une approche globalisante peut permettre de recadrer efficacement les phénomènes, de comprendre et de donner du sens aux mouvements qui affectent les institutions contemporaines. C’est la dimension globalisante qui fait l’intérêt de cet ouvrage: présenter une organisation comme un système articulé d’une série de variables interreliées dont il faut savoir que, dès que l’on pèse sur l’une d’elles, d’autres sont également affectées.

Les auteurs, professeurs à l’Université de Namur et de Liège en Belgique, ont ainsi intégré à leurs enseignements, comme à leurs pratiques de recherche et d’intervention dans les organisations, l’utilisation des structures organisationnelles articulée à une vision en termes de relations de pouvoir. Cette articulation entre deux approches, l’une managériale ou gestionnaire, l’autre sociologique, fait la force de leur ouvrage. La méthode qu’ils proposent est, en effet, apte à fournir une base grammaticale, un langage élémentaire servant aussi bien à l’analyse organisationnelle en salle de cours qu’à la pratique d’intervention dans les organisations. Elle veut, précisément, contrer la tendance à l’universalisme des pratiques, autrement dit le «one best way» auquel on adhérait encore au milieu du siècle dernier.

Les développements de Nizet et Pichault sont illustrés de cas pratiques d’analyse organisationnelle, ce qui rend leur ouvrage très parlant.