15 mai 2024

Lumières sur un fléau coûteux, le mobbing

À propos des ouvrages Souffrance psychologique au travail. Guide dans les méandres du harcèlement psychologique, de Denise Fromaigeat et Gabriella Wennubst, OCIRT (Office cantonal de l’inspection et des relations du travail), juin 2001, 115 pages, préface du Dr. Alain Kiener, et La nouvelle Loi sur le travail, de Michel Gisler, OCIRT, juin 2001, 73 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 26 octobre 2001.

«Dans un univers où la violence n’est plus ritualisée et où elle fait l’objet d’un interdit puissant, la colère et le ressentiment ne peuvent ou n’osent pas, en règle générale, s’assouvir sur l’objet qui les excite directement», écrit le médecin Alain Kiener dans la préface de l’ouvrage Souffrance psychologique au travail. Il ajoute aussitôt: «Les victimes substituées à la cible réellement visée sont l’équivalent moderne des victimes sacrificielles d’antan.» Voilà le sujet campé. Il permet au préfacier de préciser que «le phénomène ne débouche plus sur des violences physiques, mais sur des violences psychologiques, faciles à camoufler». La difficulté du harcèlement psychologique est d’autant plus grande qu’il est peu aisé à démasquer!

Le livre s’ouvre d’emblée sur une mise en situation de cas de harcèlement – ou de «mobbing», comme on dit volontiers chez nous – qui permet de saisir la banalité de ce mal et de le différencier du stress. De nombreux auteurs, en effet, ont tendance à assimiler les deux, alors que, comme le soulignent les auteures, «évacuer le stress n’exclut pas le mobbing». Dans la première partie de l’ouvrage, Denise Fromaigeat insiste d’abord sur le processus de ce véritable «terrorisme psychologique». Le propre du harcèlement psychologique, précise-t-elle, «c’est d’empêcher la victime de s’exprimer et de communiquer avec efficacité; de maintenir de bons contacts avec son entourage; de préserver la considération dont elle bénéficie; de poursuivre son activité professionnelle avec efficacité, de rester en bonne santé.» Le processus de harcèlement mis au jour, Denise Fromaigeat s’attache ensuite à mettre l’accent sur les facteurs de risque qui, par leur multiplicité, font précisément la complexité de cette forme de prédation. Viennent alors un court chapitre sur le rôle des médias et un autre pointant les conséquences pour l’individu, pour l’entreprise et pour la société. L’auteure note qu’une entreprise de harcèlement prend généralement un temps très important, et donc que les agissements qui y renvoient peuvent être coûteux, raison suffisante pour les dirigeants de s’attaquer à ce véritable fléau!

La deuxième partie de l’ouvrage est divisée en deux. Dans un premier temps, Denise Fromaigeat aborde les questions de prévention et de réparation, mettant notamment en évidence le rôle des parties prenantes – inspection du travail, syndicat, employeur, médiateurs divers. Puis, dans un second temps, Gabriella Wennubst traite de l’approche juridique à travers le contrat du travail et des arrêts de tribunaux.

Cet ouvrage est probablement l’un des meilleurs guides pour comprendre et lutter contre le harcèlement. Mentionnons aussi la réimpression de l’ouvrage de présentation de la nouvelle Loi sur le travail et ses ordonnances. Le lien entre les deux c’est, précisément, que ladite loi affirme le besoin de flexibilité, en contrepartie de quoi elle incite, voire oblige à la prévention. On ne peut qu’espérer que ces ouvrages ne sont pas les derniers que publie l’OCIRT, car les membres de cet organisme adressent finalement une question éminemment politique et morale: quelle est la meilleure façon de vivre collectivement ensemble?