15 mai 2024
Le harcèment moral

Narcisse en complet-veston

À propos de l’ouvrage Le harcèlement moral: la violence perverse au quotidien, de Marie-France Hirigoyen, Pocket, 250 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 8 avril 2000.

Voici l’impression en format «poche» du fameux ouvrage de Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral. Sorti il y a un peu plus d’un an, ce titre a connu bien plus qu’un succès d’estime. Preuve en est les deux cent mille exemplaires vendus jusqu’ici; sans compter les divers dossiers consacrés au thème du harcèlement depuis, voire les émissions télévisées. etc. Il faut lire ce livre à une époque de rareté de l’emploi où l’on se sent contraint de s’accrocher comme on peut à son poste. Où avec le processus de démocratisation aussi, nous, individus modernes et névrosés légers devenons toujours plus authentiques et fragiles. Une époque à laquelle le manque de connaissance du fonctionnement des organisations modernes peut faire de nous des complices ordinaires de pratiques condamnables, des «collabos».

Il faut donc lire ce livre qui pointe un mal, la prédation, et nomme la bête: le pervers. Tout à la fois agressif et prédateur, il s’agit d’une personne au narcissisme aigu, qui considère les autres comme des choses, ses choses. Incapable de s’engager dans une relation riche, ni de ressentir de compassion à l’égard d’autrui, toute sa stratégie consiste à viser la destruction de l’autre, en le neutralisant, voire en le «démentalisant» c’est-à-dire en essayant de le décerveler. En tentant, dans tous les cas, de l’empêcher de vivre libre et créatif. De remarques inattendues en comportements imprévisibles, le pervers retourne tout, sème le doute autour de lui en jouant sur l’humanité des personnes qu’il agresse, notamment leur capacité de doute et de culpabilisation.

Terminons le portrait de cet infâme en mentionnant les autres ingrédients de base qui constituent sa personnalité monstrueuse au quotidien. Avant tout, un être jaloux et peu créatif, avec une dose outrancière de narcissisme. Le pervers ne respecte rien, pas même les règles qu’il contribue lui-même à mettre en place. Incapable de compassion, il sait jusqu’à pousser l’odieux en se posant comme victime. Médisant et divisant, son entourage fini par ressentir les choses comme étant floues. Face à ce type d’individus, il faut aider à ce que les victimes s’expriment, parlent et sachent sortir du rapport agresseurs-agressés, ou bourreaux-victimes dans lequel elles sont irrémédiablement prises. C’est l’honneur de Marie-France Hirigoyen que d’avoir porté le débat sur la place publique. Contribuons à le faire vivre!