14 mai 2024
La confiance en question

Les raisons de la confiance

À propos de l’ouvrage La confiance en questions, sous la direction de Sophie Agulhon, Franck Guarnieri, Sonny Perseil et Yvon Pesqueux, éditions de L’Harmattan, 2016, 424 pages.

Interview paru dans L’Agefi, supplément mensuel INDICES, avril 2016.

Sophie Agulhon, Mines ParisTech et Université de recherche Paris Sciences et Lettres.

S. Agulhon en 5 dates:

  • 2012: double Master en Assurance, spécialité Risque industriel et en Organisation au CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers).
  • 2013: doctorante à Mines ParisTech : « L’injonction de sécurité ».
  • 2013: intervenante en méthodologie de gestion de projet au CNAM.
  • 2014: intervenante en management à l’école des Mines ParisTech.
  • 2015: rapporteure scientifique pour la Fondation pour une Culture de Sécurité industrielle (FonCSI).

Interview:

La notion de « confiance » revient à tout bout de champ aujourd’hui : répond-elle à une crise ?

La confiance est souvent abordée comme un moyen de cohésion abstrait, mais essentiel pour la société, notamment parce qu’elle est au fondement des contrats, de la monnaie fiduciaire ou encore de nombreuses relations sociales. Cependant, la confiance est aussi régulièrement invoquée du fait de son absence (crise de confiance en politique, absence de confiance en l’avenir des ménages, etc.) ce qui peut donner l’impression d’un empilement de crises dont on ne voit plus la fin comme pour la crise des subprimes. Depuis 2013, le LIRSA (Conservatoire National des Arts et Métiers) a initié une série d’échanges sur des problématiques voisines de la confiance telles que la transgression, l’informel, l’économie de la dénonciation et plus récemment la triche et le mensonge, particulièrement dans le domaine de l’expertise et des risques. C’est au cours de ces rencontres que le CRC (MINES ParisTech) s’est associé à la démarche de réflexion sur la confiance pour qualifier cette valeur refuge, y compris en sciences humaines et sociales.

Votre approche analyse la confiance au prisme des attitudes : est-ce bien cela ?

Notre analyse de la confiance montre la prépondérance des rapports à l’organisation et des jeux d’acteurs dans la définition de la confiance. En effet, si la confiance se structure par rapport à des limites, elle est aussi, comme le souligne le Professeur Yvon Pesqueux « attrayante et constitutive de l’attention portée par soi sur les autres tout comme des autres vers soi » et ce dès les premiers instants de la vie. Éclairer la notion de confiance au prisme de comportements observables dans des milieux tout à fait divers, du-de la coiffeu-se-r au thérapeute, du-de la soldat-e à l’entrepreneur-e, de l’assistant-e maternelle à l’internaute s’est donc avéré d’autant plus fructueux qu’une circularité entre les notions de confiance et de collaboration voire de coopération a pu être établie.

Pourquoi avoir rassemblé plusieurs disciplines autour de ce projet ?

Le pari de l’interdisciplinarité, mais aussi de la recherche internationale était nécessaire pour documenter une notion aussi discutée que la confiance. La diversité des profils des chercheurs rassemblés (8 pays dont la Suisse avec l’Université de Fribourg, 10 disciplines) a consolidé nos savoirs sur cette notion en facilitant l’identification d’éléments de généralisation relatifs à la confiance, mais aussi de postures de recherche récurrentes dont nous pouvions avoir moins conscience comme le lien entre paternalisme, confiance et épreuve. Par ailleurs, les différentes analyses de la confiance ont permis de situer notre propos par rapport à d’autres champs de recherche tels que l’action collective, la Responsabilité sociale des Entreprises (RSE), l’éducation et la formation, etc. Enfin, la prise en compte de terrains originaux tels que le football a, par exemple, permis l’observation de vitesses différenciées de restauration de la confiance selon la nature et la position de la partie prenante au sein d’un réseau, ce qui s’est avéré complémentaire d’études focalisées sur des structures « à taille humaine ».

Qu’apporte votre ouvrage aux praticien-ne-s de la gestion ?

En tant que composante fondamentale de la relation entre managers et équipes opérationnelles, la confiance corrélée à la notion de contrôle et de responsabilité est au cœur des problématiques de gestion, mais aussi de management de la sécurité où l’erreur est difficilement tolérable. Il est donc important que le management et plus largement les praticien-ne-s de la gestion répondre aux injonctions au professionnalisme du public par une connaissance fine de la confiance puisque cette dernière constitue un levier d’action efficace dans les organisations. Par ailleurs, cet ouvrage sur la confiance documente également des champs aussi variés que la défiance et la méfiance, la vulnérabilité et le care, l’éducation, la culture, les organisations, le droit et les pratiques et se termine par une synthèse référençant les positionnements théoriques des auteurs, mais aussi les enseignements majeurs de la philosophie et des sciences des organisations. Ce livre offre donc un panorama de la notion de confiance qui servira plus d’un type de lecteur.