À propos de l’ouvrage La crise de 1929 et l’émergence américaine, de Isaac Joshua, Presses universitaires de France, collection Actuel Marx confrontation, 1999, 310 pages.
Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 8 octobre 1999.
La crise du début des années 30 constitue un condensé de toutes les crises et une mise à l’épreuve de toutes les théories économiques, nous dit Isaac Joshua dans son livre «La crise de 1929 et l’émergence américaine». A la fin du XIXe siècle, la société américaine se transforme rapidement, donnant naissance à la grande entreprise, «les sociétés», et à l’émergence rapide du salariat comme rapport social progressivement dominant dès le début du siècle. Mais la rapidité de cette émergence est également source de sa fragilité. Les effets multiplicateurs de la récession ne sont plus contrecarrés – comme au siècle passé – par la prédominance du monde des fermiers relativement insensibles aux fluctuations du monde des affaires. Les États-Unis plongent dans la dépression. L’auteur revient sur les causes de la propagation internationale de la crise. L’Amérique est devenue une grande puissance économique au moment où l’Europe est elle-même en crise. La Première Guerre mondiale n’a pas résolu les problèmes qu’elle a posés. Une autre puissance industrielle émergente, l’Allemagne, est abandonnée à son sort par les vainqueurs de 1918, notamment la France. L’Angleterre n’est plus en état d’assumer son rôle de stabilisateur à l’échelle internationale alors que les États-Unis ne sont pas encore en mesure de la remplacer comme puissance économique mondiale dominante. Joshua montre que la dépression de 1929 recouvre plusieurs crises qui s’entretiennent et se fécondent les unes les autres. A l’effondrement industriel et financier des États-Unis s’ajoutent la chute de la livre sterling et la crise bancaire allemande. Il faudra que la Seconde Guerre mondiale bouleverse les rapports de force internationaux pour que les États-Unis s’imposent dans le monde occidental comme puissance économique, politique et militaire capable de façonner le monde à son image. Ils entraîneront l’Europe dans un cycle de croissance, notamment en hâtant la reconstruction de l’Europe, à travers le Plan Marshall, et la reconstruction de l’Allemagne dévastée. Les États-Unis obligeront du même coup la mise en œuvre de la construction européenne à travers le couple franco-allemand, chose impensable dans l’entre-deux-guerres. Pourtant, le fantôme de 1929 ne resurgit-il pas à chaque rebond de la crise financière actuelle?