15 mai 2024
Investissement au travail

Épanouissant travail

À propos de l’ouvrage Devenir des individus et investissement au travail, de Régine Bercot, Paris, L’Harmattan, 1999, 234 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 17 septembre 1999.

L’individu peut se développer dans son activité professionnelle et ce, malgré le caractère dépossessif du travail industriel. Telle est la thèse avancée par Régine Bercot. Le travailleur peut en effet évoluer aux yeux de son entourage et dans son rapport à lui-même, non seulement au moment de changer de statut, par exemple lors d’une promotion, mais aussi dans le cadre des gestes quotidiens du travail. Toutefois, ces possibilités ne s’offrent pas à tous dans la même mesure. Pour que les individus ne considèrent pas leur travail comme un simple gagne-pain, qu’ils puissent y trouver aussi les moyens d’élargir leurs compétences, de se réaliser et d’un nouveau rapport aux autres, certains mécanismes doivent être pris en compte. Des structures, telles qu’un marché du travail relativement fermé, les groupes professionnels, les échelles de fonction, etc., limitent la mobilité professionnelle. Ensuite, un haut degré d’initiative et un certain rôle de la communication dans les activités exercées favorisent le potentiel de développement individuel. En effet, l’individu ne s’exprime véritablement que s’il peut transformer la réalité par ses propres choix et s’il bénéficie d’une reconnaissance de ses activités dans un échange. Cette situation se vérifie par exemple lorsqu’une entreprise associe des ouvriers à l’élaboration d’une innovation en leur donnant le cadre et les moyens nécessaires à la prise de responsabilités. En interprétant ce type d’association, non comme une tentative d’extorsion du savoir ouvrier, mais comme l’opportunité d’un réel changement de rôle, d’une reconnaissance forte des savoirs et, par-là, d’un épanouissement de l’identité, l’auteur contrebalance les nombreuses analyses critiques et pessimistes dans ce domaine. Elle ne nie toutefois pas entièrement les limites et les risques de telles évolutions dans l’organisation du travail et montre ainsi leur caractère ambivalent. Les thèses développées dans cet ouvrage sont illustrées par des exemples issus de nombreuses recherches, on peut toutefois regretter, pour un sujet d’un intérêt aussi général, l’écriture parfois peu fluide et difficile pour un public non spécialiste.