14 mai 2024

Écrire le travail

À propos de l’ouvrage Écrire sa vie, devenir auteur: Le témoignage ouvrier depuis 1945 de Éliane Le Port, éditions de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), 398 pages, 39 francs ISBN 978-2-713-22888-9

Publié dans le supplément INDICES de L’Agefi, décembre 2021.

La confrontation entre historiens et les témoins (récits de guerre notamment) connaît un développement au siècle dernier. Les historiens se posent des questions de méthode quant à la place qu’il convient de faire aux traces laissées par les témoins. Quant à la valeur des sources sur lesquelles ils s’appuient. À partir des années 1960-70, avec le développement des sciences sociales, le témoignage écrit devient plus présent encore et les historiens s’attachent à capter d’autres mémoires que celles des guerres. C’est au monde du travail et spécifiquement au travail prolétarien que s’est intéressée Éliane Le Port.

Tout au long du XXe siècle, des ouvriers et des ouvrières écrivent sur leurs univers professionnels, sociaux, politiques et intimes, poursuivant une tradition de l’écriture ouvrière. L’ouvrage retrace cette expérience à partir de l’étude d’une centaine d’auteurs dont les témoignages ont été publiés, en France, depuis 1945. Basé sur un ensemble de récits – individuels et collectifs – et une enquête orale, il s’intéresse aux trajectoires des auteurs, à la place de l’écriture dans une vie ouvrière et à son cadre – militant, professionnel, intime –, aux pratiques littéraires diversifiées, aux lieux et aux moments de prise de plume, aux étapes de la composition d’un récit.

L’auteure y aborde aussi les questions de publication et de diffusion des témoignages, des liens entre éditeurs et auteurs. Car les écrits de ces derniers ne sont pas seulement des récits de vies ouvrières, mais engagent, montre l’auteure, des choix d’écriture. Les auteurs interrogent leur rapport à la littérature, empruntant au genre biographie comme à celui du roman témoignage.