15 mai 2024
L'urgence

Dispositifs invisibles

À propos de l’ouvrage La dictature de l’urgence, de Gilles Finchelstein, éditions Fayard, 2011, 224 pages.

Compte-rendu paru dans L’Agefi, supplément mensuel INDICES, mai 2011.

Certains considèrent que si l’urgence est assurément un thème à la mode, il s’agit d’un leurre, d’une idée reçue, bref, d’une fausse piste. D’autres affirment au contraire qu’il s’agit là d’un phénomène bien réel caractérisant le monde actuel. L’auteur de cet essai se range dans cette seconde catégorie. Il affirme que l’urgence s’étend avec une ampleur et une rapidité insoupçonnable, s’insinuant dans nos vies, personnelle, professionnelle, publique.

Dans une première partie intitulée Connaître, Gilles Finchelstein documente le phénomène. Échantillons : les lois réagissent à l’actualité et que les procédures d’urgence se multiplient, le travail s’intensifie, notre diction même s’accélèrerait !… Autant de motifs poussant à Comprendre – objet de la deuxième partie – comment l’urgence est devenue notre nouveau rapport au temps et pourquoi cela est inquiétant.

Croisant différentes lectures du phénomène, technique (p.ex. Régis
Debray), politique (p.ex. Zaki Laïdi) et moral (p.ex. Joseph Stiglitz), l’auteur analyse les causes de la dictature de l’urgence ainsi que les effets positifs (démocratisation, émancipation, refus du sacrifice de soi…) comme négatifs (société sous tension, politique délégitimé, risque du sacrifice des autres…).

Comment donner du sens au temps ? questionne finalement l’auteur dans la troisième partie intitulée Vouloir. Fort de la conviction que les guerres du temps sont devenues les plus fondamentales de l’histoire humaine (cf. Jeremy Rifkin), Finchelstein trace des voies de sortie de la dictature de l’urgence pour retrouver la perspective du temps long.