15 mai 2024

Bruit, vice et fureur, du néolithique au cybermonde

À propos de l’ouvrage La prospérité du vice: une introduction (inquiète) à l’économie, de Daniel Cohen, éditions Albin Michel, 2009, 280 pages.

Compte-rendu paru dans le supplément mensuel INDICES du journal L’Agefi en novembre 2009, p. 5.

C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité, défend l’auteur, qu’une accélération inédite de la production des savoirs permet à une partie d’elle de s’enrichir durablement.

Un moment situé quelque part entre le XIIe et le XVIIIe siècle a rendu possible une dynamique où la richesse semble s’engendrer elle-même. Et ce processus se diffuse aujourd’hui à l’ensemble de la planète. Voilà la trame de fond de l’ouvrage.

Pour comprendre, nous sommes renvoyés au Néolithique, moment de la Révolution agricole et, reprenant la course de l’Histoire, au XVIIIe siècle, moment de la Révolution industrielle. Pour saisir que les hommes modifient d’abord leurs cadres de pensée sans nécessairement comprendre toutes les conséquences de la révolution à laquelle ils participent. C’est une ligne de force de l’ouvrage. Mais aussi pour débusquer les lois cachées depuis l’origine, comme l’auteur se plaît à le dire lui-même.

S’intéressant notamment au miracle européen, il repère aux travers de théories classiques quelques vices prospères. Chez Malthus où l’inégalité est une bonne chose qui si elle augmente fait augmenter le revenu moyen. Chez Mandeville ou chez Smith pour qui les vices privés fondent le bien public. Ou pour nous aujourd’hui, chez Easterlin qui remarque que le bonheur par tête n’augmente pas au même rythme que le revenu par tête. Certaines lois tombent en désuétude, d’autres émergent, avec ou sans morale. Autre ligne de force de l’ouvrage dont la leçon introductive à l’économie reste cependant l’objet principal.

La deuxième partie s’attache à comprendre la prospérité et la dépression au XXe siècle, et la troisième et dernière partie, notre heure de la mondialisation, avec des éclairages portés sur le Krash financier entre autres sujets inquiétant. Il est d’autres questions traitées par l’auteur, par exemple le risque de Krask environnemental. Et si les pays émergents, notamment la Chine, suivait la trace européenne? Ou encore, arriverons-nous à tout simplement garder contact entre le cybermonde et le monde tout court?…

L’ouvrage de Daniel Cohen offre une lecture brillante de l’évolution de la pensée économique. Une fresque composée par un pédagogue hors pair. Erudition et questions. Nécessairement, in-tranquillité.