14 mai 2024
tsin

Arrangements écolo-économiques

À propos de l’ouvrage Le champignon de la fin du monde: Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, d’Anna Lowenhaupt Tsing, éditions La Découverte, «Les empêcheurs de penser en rond», 414 pages, traduction de Philippe Pignarre, préface d’Isabelle Stengers, ISBN 978-2-359-25136-4

Compte-rendu paru dans L’Agefi, supplément mensuel INDICES, octobre 2017.

Le Matsutake, champignon le plus dispendieux au monde, pousse dans les forêts les plus saccagées par les êtres humains, notamment aux États-Unis, spécialement en Oregon. Ce comestible est également un met considéré comme hautement délicat et cher au goût des japonais dont certains s’emploient à faire revivre dans des parties abîmées par les réussites du capitalisme, en bref, dans ses ruines. Le matsutake est pour l’anthropologue A. L. Tsing, un prétexte à la question de savoir comment parvenir à vivre dans les ruines que nous, humains, avons su créées.La spécificité de ce champignon, c’est de n’être pas cultivé par des humains mais de pousser uniquement dans la nature, dans les forêts dégradées par les usages que les hommes ont en faits. L’auteure cherche à savoir s’il peut exister dans les ruines capitalistes, des possibilités de vie future. Pour cela, elle nous entraîne dans un périple qui part des forêts abîmées aux États-Unis, en Chine, au Japon et en Finlande, où les champignons sont cultivés jusqu’à leur consommation gastronomique.L’intérêt de ce livre d’économie écologique, qui se basant donc sur la métaphore du champignon matsutake comme une condition de possibilité de vivre dans le futur, est en fait un récit de l’histoire du capitalisme. Il réinterroge finement les théories et les pratiques économiques qui ont permis l’essor du progrès, et analyse les rapports industriels entre États. Il fournit une leçon sur les arrangements économiques qui pourraient permettre peut-être de survivre dans les propres ruines que nous avons créées. In fine, il suggère que nous ne sommes moins guidés par l’intérêt personnel et une main invisible, mais plutôt façonnés par la vie visible et microbienne qui nous entoure.