15 mai 2024
Debaig et Huete

Apologies de la rupture

À propos des ouvrages Le paradoxe de la grenouille: rompre avec les paradigmes dominants pour créer de la valeur, de Michel Debaig et Luis Maria Huete. Dunod, 1999, 209 pages, et Le coaching stratégique: pilotage et transformation des entreprises et des organisations, de Christian Maisons. Maxima-Laurent Dumesnil Editeur, 1999, 242 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 29 octobre 1999.

L’idée centrale du livre de Debaig et Huete tient en une phrase: les entreprises performantes ne subissent pas les ruptures mais les précèdent. Dans un premier temps, les auteurs narrent deux expériences: quand on plonge une grenouille dans une eau bouillante, celle-là saute, tandis que mise dans un récipient et cuite à petit feu elle ne réagit pas! Dans un deuxième temps, nos auteurs présentent un certain nombre d’exemples adaptés de cas industriels ou de services, avant que de s’attaquer aux ruptures nécessaires dans la manière même de penser. Finalement, dans le troisième temps, ils exposent le résultat de leur “puissante” réflexion, décliné en un système à quatre points – clients, fournisseurs, employés et actionnaires – et trois paradoxes: tant dans l’industrie que dans les services, satisfaire les clients coûte moins cher, de même que contenter les salariés et satisfaire les fournisseurs.

Dans leur conclusion, les deux thuriféraires de la rupture dévoilent, apparemment sans rire, le nouveau paradigme: «Cette recherche sur les entreprises rupturistes nous conduit au cœur même de l’entreprise, c’est-à-dire à la manière de penser des dirigeants.» Où l’on voit que la tendance à la réduction du management à la stratégie à laquelle a poussé la crise, a inéluctablement conduit à porter un intérêt quasi exclusif aux dirigeants. Sorte de nouveaux héros, ils sont même accompagnés et entraînés comme le sont les sportifs de haut niveau. C’est le but du livre de Christian Maisons que de promouvoir une méthode permettant de rendre son entreprise «manœuvrable» grâce au concept de productivité totale. Signe de notre époque de virtualité et de «zappages» intenses sans doute, les aspects humains sont dans ces deux ouvrages tout simplement ignorés, gommés, niés.