14 mai 2024
Publication academique

Analyse des organisations et recherche intervention dans les pays francophones

Analyse des organisations et recherche intervention dans les pays francophones : l’apport des grandes écoles d’ingénieurs françaises

Article rédigé avec Jean-Claude Sardas, professeur à l’École des Mines de Paris, chercheur au CGS.

Papier présenté lors d’un colloque à Zacatecas au Mexique en 2000, traduit en espagnol et en portugais, paru dans cette dernière langue dans:  Sardas, Jean-Claude, Alain Max Guénette (2006). “Análise das organizaçoes et investigaçoa nos países francófonos: Contributo das grandes escolas francesas de engenharia”, em Chanlat J.-F., R. Faschim, T. Fisher, Análise das organizações: Perspectivas Latinas, Volume 1: Olhar histórico e constatações atuais, Editora da Universidade Federal do Rio Grande do Sul.

 

Introduction

Un grand nombre d’approches francophones relatives aux organisations se déployant à partir de disciplines des sciences humaines et sociales, sont aujourd’hui relativement bien connues aujourd’hui. On pense particulièrement aux travaux de nature sociologique, psychologique, anthropologique, voire linguistique. À côté de cette familiarité, on doit par contre remarquer que les recherches en gestion qui se sont développées depuis environ trois décennies de l’intérieur d’écoles d’ingénieurs françaises sont moins connues. Nous faisons ici directement allusion aux travaux des chercheurs en gestion œuvrant au sein de deux grandes écoles d’ingénieur françaises, l’école des Mines et l’école Polytechnique de Paris, avec leurs centres de recherche en gestion respectifs : le Centre de gestion scientifique (G.G.S.) et le Centre de recherche en gestion (C.R.G.).

La raison de cette relative méconnaissance est sans doute à mettre au compte de la jeunesse desdits centres dont les chercheurs en gestion ne se sont surtout imposés de façon massive en France qu’au cours de la décennie dernière. Cet article a pour but de mettre en perspective certains des apports théoriques et pratiques de ce courant. Nous avons organisé notre contribution en trois parties. Dans la première, nous rappelons à grands traits l’histoire de la création desdits centres, pour mettre en relief les premières orientations et tracer des itinéraires. Après ce survol, nous reprenons ensuite les raisons du passage, abordé dans la première partie, d’une logique d’analyse basée sur les mécanismes de gestion à une autre basée sur les savoirs, puis nous présentons notre approche de la dynamique globale de l’acteur, ainsi que certains travaux en cours. Nous explicitons, dans la troisième partie, la démarche de « recherche-intervention » qui forme le socle méthodologique de l’approche desdits chercheurs en gestion dans les centres de recherche, et abordons des questions épistémologiques récemment soulevées.

 

1- Repères historiques

C’est dans la seconde moitié des années 60, précisément en 1967, qu’est créé à l’école des Mines de Paris, le C.G.S. (Centre de gestion scientifique), sous l’impulsion de Claude Riveline[1]. Quelques années plus tard, précisément en 1972, c’est au tour de Bertrand Colomb, actuellement PDG des Ciments Lafarge, de créer à l’Ecole Polytechnique de Paris, le C.R.G. (Centre de recherche en gestion) [2] qu’il dirige pendant quelques années, avant de passer la main à Michel Berry, alors chercheur au C.G.S., qui le dirigera jusqu’en 1991.

A partir de 1976, c’est Jean-Claude Moisdon qui assurera la Direction du CGS pendant une vingtaine d’années, avant de passer la main dernièrement à Daniel Fixari.

L’école des Mines est une école d’ingénieur et une importante institution de recherche comprenant plusieurs centaines d’enseignants chercheurs. La spécificité de la recherche est d’y être indépendante des institutions académiques de recherche (C.N.R.S. et Universités), et en forte interaction avec les problèmes concrets du monde économique. Elle répond au modèle dit de la “recherche orientée”. Ceci explique que la “recherche en gestion” telle que pratiquée à l’école des Mines puis à l’école Polytechnique, n’aie pas été contrainte par le positionnement disciplinaire et que l’évolution de ses objets au cours des trente dernières années soit directement en lien avec l’évolution des enjeux économiques privés comme publics[3].

Une caractéristique forte commune à l’approche des chercheurs en gestion des deux centres est l’importance du terrain. Plusieurs problématiques de recherches sont directement nées à la suite de travaux empiriques. L’accès aux « terrains » a été au départ facilité par le fait que les écoles d’ingénieurs françaises sont en relation étroite avec les entreprises. C’est ensuite la capacité démontrée à accompagner des transformations importantes dans les organisations qui a entretenu jusqu’à aujourd’hui un flux important de demandes. Plusieurs champs d’intervention se sont progressivement dégagés en fonction des enjeux des mutations des entreprises et des administrations. On peut citer en particulier, la gestion industrielle, la rationalisation de la conception et de l’innovation, la gestion hospitalière, la gestion des institutions culturelles.

Trois initiatives impulsées par Claude Riveline et Michel Berry peuvent être mentionnées. En 1982, pour s’ouvrir à des chercheurs d’autres disciplines que la recherche en gestion, ils créent un séminaire intitulé “Ethnographie des organisations” dont l’idée peut être illustrée par la question: pourquoi ne pas appréhender les organisations avec le même genre de regard que les ethnographes portent lorsqu’ils étudient des tribus lointaines? Durant ce séminaire qui a pris fin en 1988, de nombreuses discussions largement diffusées ont été organisées.

Aux alentours des années 1988-1989, l’idée d’une revue s’adressant à un double public de théoriciens et de praticiens a fait son chemin, prenant forme sous l’intitulé “Gérer et comprendre”. L’idée d’une revue à double public, autrement dit lisible, était fidèle au souci de maintenir le lien le plus étroit possible entre les praticiens et les théoriciens. Son but consistait surtout à faire écrire les chercheurs sur leurs expériences de terrain, avec l’idée de faire d’avantage connaître les travaux français à l’étranger.

Face au style de recherche à l’américaine, soumis à l’injonction du publish or perish, la troisième initiative voulait résoudre le problème suivant : comment promouvoir une façon de faire différente de faire de la recherche, française en l’occurrence ? C’est ainsi que Michel Berry a imaginé attirer l’attention des étrangers sur les travaux réalisés dans le monde francophone. D’où l’idée de l’Ecole de Paris de management, une sorte d’école virtuelle dont l’objet est d’organiser des réunions, la plupart du temps en petits groupes, et de diffuser un compte rendu le plus largement possible.

Ce qui marque le travail de C. Riveline et de M. Berry renvoie essentiellement à un souci pédagogique et promotionnel. On en retrouve les traces dans les recherches actuelles. Cependant, certaines évolutions et ruptures ont notamment conduit les chercheurs à proposer d’autres schémas interprétatifs davantage axés sur la compréhension des facteurs de changement, alors qu’il s’agissait davantage au départ plutôt d’expliquer la stabilité des fonctionnements organisationnels bureaucratiques. On peut saisir cette évolution à la lecture de l’ouvrage collectif du CGS, De l’existence des outils de gestion, dirigé par Jean-Claude Moisdon. On y voit en particulier le passage d’une vision des outils de gestion comme conformateurs de l’ordre organisationnel, à une vision de supports à l’apprentissage et à l’innovation au sein des organisations. Armand Hatchuel[4] a joué un rôle important dans cette évolution en s’intéressant à la problématique de la conception, étudiée dans la perspective historique ouverte par le taylorisme. Ici, c’est la figure du “concepteur” qui est mis en avant. Pour Armand Hatchuel, les entreprises ont appréhendé la question du changement en créant cet acteur nouveau. L’histoire des entreprises contemporaines est en effet, selon lui, celle de la genèse des cols blancs : fabricants de règles, c’est-à-dire, prescripteurs[5].

 

Après avoir fourni ces quelques éléments historiques, dans la partie suivante, nous allons entrer dans le contenu de certains travaux : dans un premier temps nous expliciterons le passage des mécanismes de gestion à la logique des savoirs ; puis, dans un deuxième temps, nous présenterons l’approche de l’un d’entre nous sur la dynamique globale de l’acteur, qui vise à articuler une vision fonctionnelle de l’organisation à une vision psycho-sociologique ; et dans un troisième temps, nous donnerons un aperçu des travaux en cours sur le pilotage de l’innovation et la recomposition des dynamiques professionnelles.

 

2- L’évolution des contenus des travaux  : des mécanismes de gestion au pilotage de l’innovation et de la transformation des métiers

2.1. Des mécanismes de gestion à la dynamiques des savoirs

 

De l’optimisation aux « mécanismes de gestion »

Au départ de la création du centre de l’Ecole des Mines, c’est un souci de modélisation qui dominait. Influencée par le développement de l’informatique à la fin des années 60, la recherche a en effet été tournée vers la modélisation des problèmes de gestion avec une visée optimisatrice, s’inscrivant dans le courant de la recherche opérationnelle. Les chercheurs élaborèrent d’importants modèles d’optimisation pour traiter des problèmes concrets de transports urbains, de gestion de production ou encore d’exploitation des mines[6]. Le frottement à des questions pratiques obligea toutefois de dépasser cette approche. Au bout de quelques années, l’activité a ainsi évolué vers l’analyse des fonctionnements organisationnels, ou plus précisément des dysfonctionnements organisationnels : devant les fréquents déboires que rencontrait la mise en œuvre des modèles de R.O., les chercheurs ont cherché à décoder les logiques d’action des décideurs et leur apparente irrationalité. Ceci a débouché sur une première approche du comportement des acteurs organisationnels en termes de « mécanismes de gestion ».

 

Les mécanismes de gestion et les logiques locales

  • Le modèle des mécanismes de gestion a été élaboré dès le milieu des années 70 par des chercheurs du C.G.S. et du C.R.G[7]. L’hypothèse centrale est qu’un agent économique adapte logiquement son comportement de manière à optimiser les critères sur lesquels il se sent jugé ; la notion d’agent économique étant définie comme une entité homogène relativement aux comportements observés et aux jugements subis. Quant aux critères de jugement, il est postulé que les agents se basent sur un très petit nombre de critères en privilégiant les indicateurs numériques, en raison des limitations du temps disponible et des capacités intellectuelles individuelles ; les critères chiffrés étant très prisés du fait de leur caractère synthétique et de leur apparente précision et objectivité.
  • Enfin, l’origine des critères de contrôle en usage doit être recherchée d’une part au niveau des caractéristiques techniques des activités en cause et d’autre part au niveau des normes institutionnelles et culturelles en vigueur dans l’entreprise.

Sur un plan académique, cette démarche de recherche se positionnait au carrefour de plusieurs disciplines traditionnelles dont en particulier, les mathématiques de la décision, le calcul économique et la sociologie des organisations.

Marquons à présent les différences entre l’approche des mécanismes de gestion et celle de l’analyse stratégique de l’école crozierienne en tant que modèles interprétatifs de la réalité organisationnelle.

 

Comparaison entre « mécanismes de gestion » et « analyse stratégique ».

  • Prenons comme point de départ deux énoncés synthétiques définissant chacune des deux approches :
  • “Les mécanismes de gestion” : L’agent économique adapte son comportement de manière à optimiser les critères sur lesquels il se sent jugé.

Þ  “L’analyse stratégique” : L’acteur stratégique joue de manière à optimiser ses objectifs propres à travers des relations de pouvoir.

  • Comme points communs à ces deux énoncés on trouve la notion d’optimisation qu’il faut entendre au sens de la “rationalité limitée” de H. Simon. Dans chaque approche on débouche sur l’existence de logiques locales souvent antagonistes dont la confrontation peut produire des dysfonctionnements et des effets pervers.

Une vision contrastée de leurs différences peut être structurée par quatre grandes questions, comme on peut le voir dans le tableau ci-après (Source: Sardas, 1993).

 

MECANISMES DE GESTION   ANALYSE STRATEGIQUE
a : Qui sont les protagonistes ?
Un agent économique qui s’adapte de façon “mécanique” Un acteur stratégique qui joue
b : Quels sont les objectifs poursuivis ?
Maintenir ou améliorer son image Non connus a priori
c : Quels moyens sont mis en oeuvre ?
Non précisés L’acteur utilise ses pouvoirs d’in­fluen­ce, tirés de la maîtrise des zo­nes d’incertitude techniques et structurel­les
d : Rôle des structures formelles en place ?
Déterminent les comportements Constituent des contraintes pour le jeu des acteurs

 

À l’examen de ce tableau comparatif, on retrouve tout d’abord une opposition sur la dénomination des entités humaines (individus ou groupes) pertinentes pour décrire la vie d’une organisation. L'”agent” est censé s’adapter aux contraintes qu’il rencontre, alors qu’on reconnaît à l'”acteur” une capacité stratégique et donc une plus grande autonomie de comportement. Ensuite, les mécanismes de gestion postulent que l’agent vise à maintenir ou améliorer son image, alors que l’analyse stratégique ne fait aucune hypothèse a priori sur la nature des objectifs propres de chaque acteur. Quant aux moyens mis en oeuvre, la situation s’inverse : l’acteur stratégique mobilisera toute sa capacité d’influence, et la théorisation des relations de pouvoir constitue le cœur de ce modèle, alors que le mode d’action de l’agent économique n’est pas précisé.

Enfin, les structures formelles en place, c’est-à-dire la division du travail hiérarchique et fonctionnelle, ainsi que les outils de gestion, jouent un rôle fondamentalement différent puisque elles déterminent le comportement de l’agent économique, alors qu’elles constituent uniquement des contraintes pour l’acteur, et que les failles inévitables de ces structures représentent des zones d’incertitude mobilisables dans le développement de son jeu stratégique ; on retrouve le postulat d’une plus grande autonomie qui est bien cohérent avec les images associées aux dénominations choisies.

Le fait d’avoir distingué dans ce tableau les objectifs poursuivis des moyens mis en oeuvre pourrait être considéré comme une manière de forcer le trait pour accentuer les différences, mais il nous semble nécessaire de faire clairement cette distinction car cela permet déjà d’éviter la confusion fréquente à propos de l’analyse stratégique consistant à penser que le maintien ou l’amélioration de son capital de pouvoir représente l’objectif visé par l’acteur. Considérer que les objectifs propres des acteurs ne sont pas donnés a priori, et en particulier ne résultent pas directement de la situation dont ces acteurs sont parties prenantes, conduit à raisonner sur des jeux plus ouverts et oblige à mener des investigations spécifiques sur chaque cas concret. Mais ajoutons que nous touchons là à une limite du modèle de l’analyse stratégique, qui doit être complété par des hypothèses sur les aspirations individuelles et collectives au sein des organisations. Les concepteurs de l’analyse stratégique reconnaissent eux-mêmes que certaines analyses culturelles peuvent compléter utilement leur démarche. (cf. l’acteur et le système de Crozier et Friedberg, 1977)

D’un autre côté, en ce qui concerne l’agent économique on pourrait contester que le maintien ou l’amélioration de son image constitue un objectif final et dire qu’il s’agit plutôt d’un objectif intermédiaire à court terme permettant la satisfaction d’aspirations à plus long terme telle que la réussite d’une carrière par exemple. Mais dans l’interprétation des comportements en termes de mécanismes de gestion, on se limitera en général à cet objectif intermédiaire, et le fait de ne pas théoriser les moyens mis en oeuvre conduit à postuler que l’agent économique est une sorte de boîte noire, qui produira des comportements logiquement adaptés aux critères de jugement auxquels il est soumis.

Cette discussion pourrait être développée en termes d’opposition entre comportements déterminés par la structure et comportements structurants. Cette voie revient implicitement à restreindre l’analyse stratégique à un de ses apports essentiels, à savoir l’importance de la structuration (formelle et informelle) d’une organisation par la dynamique des relations stratégiques, et à centrer l’approche des mécanismes de gestion sur la mise en lumière des effets des découpages structurels et des instruments en place sur les comporte­ments. Ainsi définie, cette opposition nous conduit raisonnable­ment à défendre la nécessité de développer conjointement les deux approches qui apparaissent ainsi clairement complémentaires.

Cette dernière perspective peut être mise en rapport avec la nature des résultats significatifs de recherche obtenus en fonction du modèle de comportement adopté dans les interprétations : dans les deux cas, la mise à jour de dysfonctionnements et d’effets pervers fortement liés aux dispositifs de gestion pour la première approche, et fortement liés aux jeux stratégiques autour des règles pour la seconde approche.

 

Analyse stratégique et contingence structurelle

Dans le modèle de base de l’analyse stratégique, il apparaît que toute organisation est avant tout un construit social. Tout en reconnaissant la fécondité d’une telle position méthodologique, qui a permis aux auteurs de poser les concepts de base de la dynamique des relations de pouvoir dans tout système d’action organisé, il faut en cerner les limites. Confrontés à des situations concrètes, l’analyse stratégique se révèle utile, mais dans des situations concrètes, d’une part l’évaluation fine des caractéristiques des instruments de gestion est indispensable pour mener à bien cette analyse stratégique, ne serait-ce que pour être en mesure d’évaluer en quoi les marges d’incertitude existantes peuvent être transformées par la mise en place du ou desdits instruments. D’autre part, il est tout aussi nécessaire d’utiliser certains concepts de l’école de la contingence structurelle pour analyser avec une perspective historique les grandes étapes de l’interaction entre outil structure et environnement, et pour discuter de manière détaillée de la problématique de constitution d’une compétence interne à l’entreprise.

L’analyse de situations concrètes nous a conduit donc à affirmer à nouveau la nécessaire complémentarité entre ces diverses approches. Pour préciser notre acception de cette complémentarité, indiquons tout d’abord la position prise à ce propos par M. Crozier et E. Friedberg. Ces derniers ont combattu toute idée de déterminisme des structures, que ce soit de la part des techniques, de l’environnement ou de la culture, et se sont attachés à démontrer que ces facteurs ne devaient pas être considérés comme des variables indépendantes par rapport aux jeux de pouvoir développés par les acteurs au sein des systèmes d’action en cause. On arrive donc à l’idée d’une mutuelle influence[8] entre les jeux stratégiques et d’autres phénomènes étudiés classiquement en théorie des organisations, dont les auteurs reconnaissent qu’ils contribuent à définir le champ de contraintes dans lequel évoluent les acteurs.

 

Analyse stratégique et dynamique des savoirs

Pour aller plus avant dans la réflexion sur la nature de la complémentarité entre l’analyse stratégique et les autres approches mentionnées, certains travaux d’A. Hatchuel (1990) sont éclairant. Celui-ci a en effet proposé une théorie de l’intégration des processus politiques et des processus de production de connaissance.

Tout en reconnaissant l’importance des jeux de pouvoirs, A. Hatchuel fait remarquer qu’en se limitant à ce modèle explicatif, il serait logique de penser que les luttes internes, les négociations et les marchandages conduisent inéluctablement les organisations à dilapider leurs ressources et à péricliter. Le fait d’observer non seulement la survie mais aussi l’aptitude de bon nombre d’entre elles à se transformer, innover, s’adapter et générer des ressources l’amène à avancer l’idée d’un “principe de réalité” qui rendrait compte de cette aptitude à la survie et au développement.

Il reformule ensuite ce “principe de réalité” comme la nécessité de produire les connaissances permettant à une organisation d’être viable, c’est-à-dire d’éviter de commettre des erreurs fatales. L’auteur précise qu’il s’agit de “connaissances conceptualisées”, ce qui signifie des connaissances opératoires spécifiques ayant trait aux différentes caractéristiques du contexte. On retrouverait là les contraintes techniques, économiques et culturelles dont nous parlions plus haut, contraintes qui ne pourront intervenir qu’au travers des connaissances des différents acteurs, ou représentations plus ou moins pertinentes de certaines réalités.

Le lien peut ainsi être fait avec l’analyse stratégique, puisque ces connaissances apportent bien aux acteurs concernés la maîtrise de zones d’incertitude, qui constituent des ressources stratégiques, sous réserve ajoute A. Hatchuel que ces connaissances soient “partagées”, c’est-à-dire reconnues par l’ensemble des acteurs. L’auteur en déduit la nécessité de compléter le modèle politique d’une organisation par “une théorie de la place et du rôle qu’y joue la connaissance et surtout les conditions de sa transformation, c’est-à-dire de sa production”.

La notion de connaissances partagées pourrait être considérée comme implicitement présente dans “l’acteur et le système”, puisqu’il y est précisé que les connaissances possédées par un acteur ne constituent des ressources stratégiques mobilisables qu’à partir du moment où ces connaissances sont reconnues par les autres acteurs. Mais surtout, la démarche proposée par A. Hatchuel (1990) vise selon ses termes à “dépasser la thèse très classique qui fait du savoir, une fois reconnu et accepté comme tel, une simple arme du pouvoir, pour montrer que savoirs et pouvoirs sont tous deux en mouvement et l’étude des organisations est donc confrontée à deux régulations distinctes mais se conditionnant l’une l’autre, et non pas seulement à une seule.” … “Les jeux de pouvoirs ne rendent compte à eux seuls que de certains moments ou de certaines formes relativement stables de la vie des organisations ; et qu’il faut, dès lors que l’on cherche à expliquer des trajectoires ou des changements, par exemple la naissance ou la disparition d’acteurs, donner une importance au moins aussi grande aux modes de production et de partage des connaissances.”

Ceci dit, en revenant à notre discussion générale, la connaissance au niveau d’un acteur des risques potentiels pour l’entreprise et des objectifs des dirigeants ne déterminera pas entièrement le comportement de cet acteur, qui utilisera simplement cette connaissance en fonction de ses propres objectifs stratégiques. On en revient là à la thèse de M. Crozier et E. Friedberg, à laquelle A. Hatchuel répond par l’affirmation d’un double conditionnement d’égale importance entre les régulations de connaissance et les régulations stratégiques sur le comportement des acteurs.

 

Cette mise en regard et en discussion de l’analyse stratégique de Crozier et Friedberg avec l’approche initiale du CGS, à savoir celle des mécanismes de gestion, puis avec la thèse d’Hatchuel sur les régulations conjointes savoir/relation, correspond aux débats des années 70 et 80. Cela correspond également globalement à une évolution dans le contenu des travaux du CGS, d’une analyse des équilibres dans les fonctionnements et dysfonctionnements organisationnels, équilibres maintenus en place par les mécanismes de gestion, à un investissement dans l’explication des transformations, liées notamment à des crises de connaissances et à l’émergence de nouveaux acteurs.

Néanmoins, une question restait pendante dans la modélisation des comportements : comment se forment les “objectifs propres” d’un acteur ? Et, doit-on les faire entrer dans l’analyse ? Ou, en d’autres termes : quel est le moteur de l’investissement des acteurs dans les jeux organisationnels ? Cette question valait tant pour les jeux de pouvoirs que pour les jeux de savoirs, dont A. Hatchuel a éclairé le caractère dual. A quel niveau d’analyse des processus organisationnels, les phénomènes d’investissement méritent d’être caractérisés ? L’exploration de cette problématique, nous a entraîné quant à nous à explorer les perspectives d’enrichissement du modèle de l’acteur par une prise en compte de la dynamique du psychisme individuel.

 

2.2. Une prise en compte de la « dynamique d’acteur » dans l’analyse et l’accompagnement des transformations organisationnelles.

 

Pour compléter l’analyse des dynamiques d’acteur par rapport aux dimensions du pouvoir et du savoir sur lesquelles reposent les développements précédents, nous avons proposé d’explorer de façon complémentaire la subjectivité des investissements individuels, notamment autour de la notion de plaisir au travail (cf. Sardas 1993, 1994)

 

Il est facile de fournir quelques justifications intuitives à l’introduction du concept de plaisir pour analyser l’investissement au travail.

Spontanément, le plaisir est plutôt associé aux activités de la sphère privée, dont notamment la sexualité, les loisirs, les sports. Or on retrouve dans le discours de certains individus sur leur situation de travail des expressions du type “prendre son pied ou s’éclater dans son travail”, “bien se marrer avec ses collègues”, ou encore “faire joujou avec sa nouvelle machine ou avec son modèle”. On pourrait considérer qu’il s’agit simplement d’images empruntées à d’autres scènes de vie ou encore de réminiscences de l’enfance qui n’auront pas à entrer en ligne de compte pour définir une organisation performante. Et pourtant ces allusions à des phénomènes de plaisir mettent en évidence une source d’énergie sans doute essentielle pour expliquer l’investissement des individus dans le cadre des systèmes organisés.

 

En restant au niveau intuitif, l’observation des jeux d’enfants peut être très instructive. Dans le jeu solitaire du tout petit, beaucoup d’énergie sera dépensée pour maîtriser d’une manière ou d’une autre les objets de son environnement ; la réussite des actions engagées s’accompagne souvent d’une intense jubilation, et on peut donc se demander si l’action est motivée par un désir en général inconscient de maîtrise des objets (et de ce qu’ils symbolisent) et/ou par la recherche du plaisir associé à cette maîtrise. Quant aux jeux collectifs des enfants plus grands, le plaisir de la maîtrise des objets sera doublé du plaisir de gagner, de faire mieux que l’autre ; mais ce plaisir ne pourra être goûté par l’intéressé qu’à condition que sa victoire soit reconnue par autrui (le vaincu ou un tiers spectateur et arbitre). Cette dernière remarque rejoint également le désir du tout petit d’être admiré lorsqu’il accomplit ses “exploits” quotidiens.

 

Le parallèle avec le monde du travail est facile à faire. Les acteurs seront engagés dans des jeux de connaissances visant à maîtriser une matière donnée et tireront du plaisir tant de la recherche de maîtrise que des éventuels succès obtenus, ceux-ci se doublant du plaisir de leurs reconnaissances par les autres acteurs. Ainsi, jeux de savoir et jeux de pouvoir sont traversés par des phénomènes de plaisir qu’il convient d’appréhender en tant que tel, notamment dans l’étude de transformation organisationnelle où les contenus de travail évoluent en remettant en cause les motifs d’implication subjective des individus.

 

On peut mobiliser les travaux du champ de la psychanalyse (S. Freud 1905, 1915, 1920, D. Winnicott 1947, J. Laplanche 1976, S. de Mijola 1992) pour tenter de cerner les notions de base de pulsion, sublimation, plaisir et désir. Pour aborder ces questions dans le contexte organisationnel, on peut s’appuyer sur des travaux de psycho-sociologie (G. Mendel 1988, E. Enriquez 1992, E. Jacques 1951, 1955, M. Kets de Vries 1985,1990), de psychologie et de psycho-dynamique du travail (Y. Clot 2001, C. Dejours 1990). Ces derniers travaux sont éclairants pour comprendre les dynamiques de plaisir/souffrance au sein des organisations.

Cette exploration met en évidence l’importance des phénomènes subjectifs pour expliquer les comportements individuels au travail et permet de faire le lien avec les travaux de sociologie des identités et des professions, pour prendre en compte explicitement la dimension subjective dans les analyses organisationnelles.

 

Notre démarche a consisté à rechercher des articulations entre les concepts et grilles d’analyse relatives à la dimension subjective de l’investissement des individus au travail et les démarches fonctionnelles de conception ou de transformation d’une organisation. Plus précisément, nous nous sommes efforcés (cf. Sardas 1993) de conceptualiser la dynamique globale d’un acteur comme résultante de l’interaction entre trois dynamiques partielles de savoir (maîtrise cognitive de l’activité), de pouvoir (statut et reconnaissance dans l’organisation), et de plaisir (subjectivité de l’implication personnelle). Pour caractériser cette interaction, nous avons défini une “dynamique globale de référence ” basée sur un “principe de renforcement mutuel”, qui consiste en une interaction positive entre les trois dynamiques partielles. Il s’agit d’un acteur qui développe simultanément :

  • ses connaissances : son activité de travail lui permet d’utiliser ses connaissances et lui offre l’occasion de les développer de façon continue du fait des problèmes à solutionner.
  • son statut : tant la définition formelle des rôles que les relations informelles avec les autres acteurs lui apporte une réelle reconnaissance de sa valeur et de ses apports, en rapport avec la réalité de son travail.
  • son investissement subjectif dans son travail : l’activité de travail et les relations qu’elles engagent conduisent à une forte résonance symbolique (cf. C. Dejours 1990) pour l’individu.

 

Notre hypothèse fondamentale est que pour un acteur donné, tout blocage de l’une ou l’autre de ces trois dynamiques partielles entraînera à plus ou moins brève échéance un blocage de la dynamique globale et donc un blocage des deux autres dynamiques partielles. Ainsi par exemple un déficit de reconnaissance (statuts formel et informel) viendra tôt ou tard freiner l’investissement subjectif d’un individu au travail et ce même si la « résonance symbolique initiale est forte », de ce fait la dynamique de développement des connaissances sera elle aussi freinée, voire bloquée si le déficit de reconnaissance fait douter l’individu sur l’utilité et la valeur de son travail. Cette configuration correspond à bon nombre de « malaises » pour des professions ou des métiers internes mal reconnus, comme les enseignants du secondaire, les agents de maîtrise, les techniciens de maintenance.

 

Dans l’autre sens, un individu peut avoir toutes les connaissances requises pour tenir un rôle fortement valorisé, mais l’absence de signification symbolique forte personnelle de ce rôle conduira à une faible implication, qui ne permettra pas à l’entreprise de bénéficier d’un comportement réactif et inventif de l’individu, d’où une faible performance et donc in fine une faible valorisation de l’individu au sein de l’entreprise.

 

Ce principe de « renforcement mutuel » des trois dynamiques s’oppose donc à un « principe de compensation » qui supposerait par exemple qu’un fort intérêt du travail permette de se passer d’une forte reconnaissance. C’est pourtant sur ce principe de compensation qu’a fonctionné implicitement la gestion des ressources humaines pendant des décennies. Bien qu’il n’y ait en la matière aucune vérité scientifique, on peut penser que les niveaux d’investissement requis par les nouvelles organisations et par les exigences de performances et de créativité, militent pour opter pour le principe de renforcement mutuel, en particulier comme référence pour concevoir de nouvelles organisations et piloter le changement. Cela nous conduira à évaluer un scénario de nouvelle organisation sur chacune des trois dimensions pour valider sa faisabilité et anticiper les risques de blocage de la dynamique globale de l’acteur.

 

Cette « dynamique globale » peut être considérée comme une dynamique identitaire (cf. R. Sainsaulieu 1977, C. Dubar 1991) avec ses composantes objectives (compétence disponible, statut formel) et ses composantes subjectives (auto-évaluation des aptitudes, sentiment d’appartenance et de reconnaissance, sens et intérêt subjectif du travail). Raisonner ainsi en terme de dynamique identitaire globale permet de prendre en compte les phénomènes de plaisir et de désir dans leur interaction avec les autres dimensions cognitive et relationnelle de la dynamique des acteurs dans une organisation.

 

Un tel modèle de la dynamique globale de l’acteur peut être utilisé pour diagnostiquer les raisons de certains dysfonctionnements organisationnels ainsi que pour s’efforcer d’anticiper les effets d’un projet de réorganisation et donc pour accompagner les processus de transformation. (cf. Sardas 1994)

 

2.3. Les travaux en cours : pilotage de l’innovation et recomposition des métiers.

 

Pour clore cette partie, nous donnons un aperçu rapide de certains travaux en cours au CGS concernant d’une part la théorisation du pilotage des processus d’innovation et de conception et d’autre part la question de la recomposition des métiers.

 

Pilotage de l’innovation.

Depuis le début des années 90, un grand nombre de travaux de recherche du CGS (ainsi que du CRG, cf. notamment Midler 1993) ont porté sur la rationalisation des processus de conception. Ils mettent en évidence la nécessité d’analyser et de gérer les dynamiques de connaissances pour pouvoir maîtriser les processus de conception innovante. (cf Moisdon Weil 1992, Weil 1999). Ont été explorés les dispositifs permettant d’organiser la coopération entre les métiers (cf. Martin Nakhla Sardas 1998, et Sardas 2000) et de structurer les engagements entre les différents contributeurs à un projet et une direction de projet (Nakhla et Soler 1996, Nakhla et Sardas 1999).

 

A Hatchuel a proposé (cf. Hatchuel Weil 1999) une théorisation du processus de conception comme un va et vient entre une progression des solutions et une progression des connaissances. Cette vision permet d’une part une généralisation de la théorie de la décision capable de prendre en compte les spécificités de la conception. Elle débouche d’autre part sur la nécessité de lire les processus d’innovation comme une double généalogie croisée des solutions et des connaissances. L’efficience en termes de conduite de l’innovation dépend alors de la capacité à raisonner non pas à l’échelle d’un projet, mais à l’horizon de lignées de projets, où on exploite sur chaque projet l’ensemble des expériences et connaissances générées par les projets précédents. Cette problématique de l’innovation répétée a émergé dans l’étude du processus de conception d’une entreprise d’électroménager (cf. Vincent Chapel 1997). Il s’est avérée que le moteur de la croissance de cette firme sur plusieurs dizaines d’année était justement son mode spécifique de pilotage de lignées de produits, tour à tour stimulant la génération de nouvelles connaissances et exploitant les connaissances générées précédemment. Un mode d’organisation spécifique permettant cette stratégie d’innovation répétée a également pu être mis en évidence, organisation en anneaux concentriques autour d’un noyau de dirigeants experts avec des lignes radiales rassemblant les différentes compétences associées à chaque ligne de produits.

Le CGS est aujourd’hui associé à la restructuration des processus d’innovation de grandes firmes, où il s’agit de redéfinir les champs d’innovation tant en termes de concepts qu’en termes de connaissances, et de favoriser une dynamique globale d’innovation répétée. (cf. Hatchuel, Le Masson, Weil 2001)

 

Recomposition des dynamiques professionnelles

Alors que le besoin de gérer les connaissances s’impose aujourd’hui, il paraît essentiel de ne pas désincarner les dynamiques de savoirs et il importe donc de coupler la réflexion sur le knowlegde management avec celle sur l’évolution des compétences et la recomposition des dynamiques professionnelles Les dynamiques professionnelles traditionnelles sont fortement remises en cause, aujourd’hui, par les déplacements des contenus opératoires et des modes de fonctionnement collectif ; déplacements associés en particulier aux NTIC, aux nouvelles organisations davantage orientées produit ou projet, et aux multiples partages d’activités au sein de l’entreprise étendue. De nombreuses actions en entreprises visent aujourd’hui à redéfinir les référentiels de compétence de chaque métier, les polyvalences nécessaires, les parcours et les carrières. Mais ces actions sont confrontées à la difficulté à élaborer des scénarios prospectifs pertinents d’un point de vue stratégique pour l’entreprise, et à la difficulté à évaluer leur attractivité et leur acceptabilité pour les acteurs concernés.

Le CGS est aujourd’hui associé, avec un soutien du Ministère de la recherche, à plusieurs de ces actions visant une recomposition des dynamiques professionnelles, concernant notamment les activités de conception industrielle. (Cf. Nakhla Sardas 2000 et Lefebvre Roos Sardas 2001).

Tout ceci appelle une réflexion fondamentale sur les notions de compétence, de métier, d’identité professionnelle. Tout en assumant la déstructuration de certaines dynamiques traditionnelles d’appartenance et de progression dans des communautés de métier relativement stables et cloisonnées, il est néanmoins nécessaire qu’émergent de nouveaux repères permettant à chacun de se situer et de se projeter. La redéfinition des rôles, souvent plus polyvalents et plus mobiles, ne suffit pas à donner du sens aux contenus de travail et aux trajectoires de carrières.

Les responsables en entreprises sont donc aujourd’hui confrontés au challenge d’organiser non seulement la construction et la diffusion des connaissances, mais également la construction et le développement des compétences de façon à offrir de nouveaux cadres favorables aux développements identitaires.

 

3- Approche méthodologique de la recherche-intervention et réflexions épistémologiques

 

La recherche intervention : approches sociologique et gestionnaire

Un récent ouvrage traitant de l’intervention, présente des approches de type “sociologique”[9]. Pour les contraster d’avec l’approche “gestionnaire”, on avancera que la première propose d’appréhender une organisation à travers son système humain, tandis que la seconde le fait à travers son instrumentation de gestion, quoique, bien entendu, les tenants d’une perspective sociologique n’excluront pas plus les aspects techniques ou économiques dans leurs interventions, que les tenants d’une approche gestionnaire ne feront l’impasse sur les aspects humains. Avant d’expliciter notre approche, il nous a parut intéressant de présenter deux approches sociologiques centrées elles aussi sur l’entreprise, celle de Friedberg, et celle de Uhalde et Osty.

Pour Friedberg[10], le problème fondamental dans une organisation est le rapport entre la théorie et la pratique – ou entre la prescription et l’exécution –, le problème fondamental du management revenant à gérer l’écart entre, précisément, ce qui est l’expression de la volonté managériale – son discours, ses stratégies, et les structures et les procédures formelles –, d’un côté, et les pratiques profondes – que d’aucuns ont appelé le management clandestin –, de l’autre. Quoique la gestion dudit écart peut être effectuée de plusieurs manières, celles-ci reviennent toujours à essayer de faire remonter la réalité des pratiques du terrain vers les prescripteurs, dirigeants ou managers. C’est ici que se situe pour Erhard Friedberg le rôle du sociologue qui est par nature le porte parole du terrain, c’est-à-dire des pratiques et des structures souvent informelles. Il conçoit l’intervention comme renvoyant à une activité de recherche proprement sociologique dans une première phase, c’est-à-dire de production de la connaissance, et à une activité de formation, d’animation ou de monitorage dans une deuxième phase, de façon à ce qu’une autre manière de prescrire puisse être mise en place. La première phase, de diagnostic, est d’autant plus importante qu’elle vise à renvoyer un miroir aux protagonistes dans lequel ces derniers sont censés, si le diagnostic est bien fait, reconnaître leurs pratiques et, ainsi, être aptes à se baser sur un langage commun.

Pour Uhalde et Osty[11], le monde de l’entreprise est entré dans une profonde dérégulation. Quoique traversée, par ailleurs, par la dynamique d’individualisation des liens sociaux, la sujectivation prenant le pas sur l’intégration, la reconnaissance identitaire s’y renforce. Le travail d’intervention revient pour ces auteurs de favoriser des régulations sociales légitimes en travaillant sur les identités professionnelles et les apprentissages culturels. Le dispositif de l’intervention repose sur trois caractéristiques principales. D’abord, la réalisation d’un diagnostic, avant toute chose, pour problématiser les axes autour desquels des apprentissages sociaux peuvent être attendus. Ce diagnostic associe les acteurs à travers des groupes d’approfondissement de l’analyse. Ensuite, la mise en place de groupes d’élaboration de solutions, puis de séances de confrontation entre ces groupes sur l’analyse de l’existant et sur les propositions de changement. Ces groupes sont constitués sur la base des positions relationnelles et identitaires reconstituées dans la phase de diagnostic, parce que c’est autour de ces positions que se nouent des problèmes de coexistence ou de coopération. Enfin, l’organisation d’une phase “instituante” où l’instance dirigeante est amenée à se confronter aux différents groupes pour élaborer des décisions concrètes en matière de changement.

 

La démarche de recherche intervention telle que nous la pratiquons est une méthodologie de recherche en accord avec notre théorie des processus de transformation organisationnelle. Par rapport aux deux démarches sociologiques qui viennent d’être présentées, nous verrons d’une part que nous assumons une participation au processus de prescription d’une nouvelle organisation, tout en considérant qu’il s’agit d’un processus de conception très spécifique et d’autre part, que nous mobilisons les analyses de jeux d’acteurs et des dynamiques identitaires pour anticiper autant que possible les comportements d’acteurs et aider à piloter le changement.

 

D’une demande d’intervention à un processus de recherche conjointe

Le chercheur intervient à la demande d’une entreprise (ou institution publique). Cette demande a pu s’exprimer de façon spontanée ou être suscitée par une offre du chercheur. Cela revient au même, la recherche intervention doit répondre du point de vue de l’entreprise à un réel problème ou besoin de progrès de l’entreprise ; problème ou besoin pour lequel l’entreprise ne pense pas pouvoir recourir à des solutions déjà éprouvées. L’objet du contrat établi entre l’entreprise et le laboratoire de recherche, consistera à unir les ressources des chercheurs et de leurs interlocuteurs pour élaborer et mettre en œuvre de nouveaux dispositifs organisationnels ou gestionnaires. En cela l’entreprise accepte consciemment de s’engager dans un processus de recherche conjointe avec le chercheur. Pour ce dernier, ces deux conditions – problème réel et absence de solutions éprouvées – garantissent l’intérêt de ce terrain d’intervention comme objet de recherche. La réalité des problèmes posés conduira le chercheur à interagir fortement avec les acteurs concernés en lui permettant d’étudier de l’intérieur certains phénomènes organisationnels. L’absence de solutions éprouvées garantissent qu’il travaille sur des problématiques organisationnelles essentielles pour son époque et qui méritent des efforts de recherche ?

 

La recherche intervention en lien étroit avec une théorie des processus de changement organisationnelle.

Intervenir sur un système organisé veut dire participer à un processus de transformation. Parler de « processus » resitue le changement dans une histoire, une temporalité et laisse entendre qu’il s’agit de l’évolution d’un système complexe socio-technique, évolution que personne ne peut maîtriser, mais qui peut néanmoins être « accompagnée ». Pour nous, l’accompagnement d’un tel processus n’est pas un accompagnement passif, où le chercheur observerait une évolution avec pour seul but de la comprendre et de restituer cette compréhension aux acteurs de terrain. Nous prenons au contraire une part active dans le processus en considérant qu’il s’agit d’un processus de conception. Parler de processus de conception veut dire qu’on peut mobiliser les connaissances existantes (théories des organisations, grille d’analyse sociologique, expériences de certaines formes d’organisation, connaissance de l’activité en cause) pour concevoir des scénarios, envisager des alternatives, les évaluer de façon comparative. Il sera en général nécessaire à ce stade de lancer des investigations complémentaires pour préciser les objectifs, analyser certains traits (positifs ou négatifs) du fonctionnement initial et faire s’exprimer les intéressés sur les scénarios envisagés afin d’anticiper certains comportements.

 

Ce processus se poursuit par le choix et la mise en œuvre d’un scénario organisationnel. Il ne s’achève bien sûr pas là, car de nombreuses incertitudes demeurent sur la façon dont les acteurs impliqués voudront et pourront faire évoluer le fonctionnement réel. La phase de mise en œuvre d’une nouvelle organisation doit donc être considérée comme une expérimentation, même si les conditions n’en sont pas contrôlées. De plus bien souvent, le scénario mis en œuvre est volontairement inachevé, tant parce qu’il est difficile pour les organisateurs d’aller plus loin, que pour laisser des marges de manœuvre aux acteurs concernés, qui auront pour mission de compléter et donner vie à de nouveaux principes d’organisation.

 

Ce qui nécessite un dispositif et des ressources spécifiques de suivi et d’analyse de l’évolution réelle du fonctionnement du système en cause. Il faudra à ce stade interpréter les difficultés rencontrées, mais aussi les raisons des fonctionnements satisfaisants et performants pour en tirer des enseignements pertinents. Un tel suivi permettra donc de confirmer ou d’infirmer certaines hypothèses et analyses ayant présidé au choix du scénario, qui pourra ainsi être plus ou moins remis en cause, et également de générer de nouvelles connaissances tant pour les managers que pour les chercheurs. C’est donc aussi un processus d’apprentissage conjoint par les managers et les chercheurs sur le type de solution organisationnelle adapté à un objectif de progrès donné, dans un contexte donné (histoire, environnement, identités d’acteurs, …).

 

Au total, le processus de changement est donc analysé comme un processus de conception reposant fortement sur l’intelligence du contexte et des phénomènes organisationnels qui permet d’élaborer des scénarios pertinents, mais également sur l’expérimentation et l’apprentissage dans la mesure ou le changement reste une évolution que personne ne peut entièrement maîtriser.

 

Avec cette vision théorique du changement, le chercheur fait partie du modèle. Il est un des acteurs du processus collectif de conception de la nouvelle organisation. Il apporte une expertise liée à sa connaissance de la littérature et d’autres cas empiriques, et une capacité d’investigation, en profitant de son statut neutre par rapport aux différents acteurs impliqués. Le fait que les acteurs managers et « opérateurs » demandent et acceptent d’intégrer un chercheur à ce processus signifie qu’ils considèrent qu’il est nécessaire de générer beaucoup de connaissances pour orienter au mieux l’évolution. Mais pour autant, la présence du chercheur ne modifie pas la nature du processus, tout en générant des données empiriques d’une grande valeur pour la réflexion théorique. Contrairement à d’autre chercheurs qui s’efforcent d’observer et d’analyser le fonctionnement d’un système sans le perturber, nous assumons et revendiquons l’intérêt de participer à la transformation du système en pensant que c’est la voie royale pour étudier tant les équilibres que les modes d’évolution des organisations.

 

Ceci dit, un tel modèle du changement et de la recherche intervention, n’est pas universel. Il concerne essentiellement les mutations complexes pour lesquelles il est possible de faire participer les acteurs concernés. Ce qui exclue donc certaines phases stratégiques comme la préparation de décision de fusion acquisition, la préparation de réduction d’effectif ou encore des phases de conflits sociaux. Outre cette délimitation, qui laisse encore un très vaste champ pour cette démarche de recherche-intervention, quels en sont les présupposés épistémologiques ? …..

 

Epistémologie des sciences de gestion revisitée

En Grande Bretagne, un important débat autour de la question de la recherche en gestion a pris naissance dans le cadre du British Academy of Management Research Committee pour tenter d’identifier quelles étaient les caractéristiques essentielles de la recherche en management. Il a notamment permis de conceptualiser un mode de recherche appelé “mode 2”[12] : un des quatre modes types[13], supposé allier rigueur et pertinence quant à l’application, bref, théorie et pratique[14]. Ce mode, ou cette conception renvoie très précisément à l’approche des chercheurs en gestion des centres de gestion de nos deux écoles d’ingénieurs. Eloignés des conceptions en vogue aux Etats-Unis, caractérisées par une double concentration : sur la théorie au détriment de l’applicabilité, et sur la méthode au détriment de du contenu, ils le sont également de la théorie de la critique sociale dont les apports ignorent les implications pour la pratique.

 

Ce détour par le cas britannique nous renvoie à un ouvrage paru récemment, dans lequel les positions épistémologiques apparaissent clairement[15]. L’ouvrage Les nouvelles fondations de sciences de gestion s’inscrit dans les débats autour du degré de scientificité de la gestion qui renvoie, historiquement, à des pratiques enseignées par des gens de terrain. Le mouvement de professionnalisation de l’enseignement aidant, la question de savoir si le management est un art ou une science a commencé de se poser. Mais, que penser de cette science qui emprunterait les moindres de ses concepts et de ses méthodes aux sciences humaines et sociales – économie, sociologie, ethnologie, sciences cognitives, etc. –, et qui, de surcroît, ne se définirait que par ses sous-disciplines – comptabilité, finance, marketing, stratégie ?!…

Armand Hatchuel constate que l’économie, parce qu’elle s’appuie sur le paradigme de l’individualisme méthodologique, est incapable de rendre compte de l’action collective, contrairement à la recherche en gestion dont c’est l’essence même, selon lui[16].

Si l’on veut fonder la gestion en théorie, il faut donc se tourner du côté de l’épistémologie de l’action versus celle de la connaissance ; ou, à tout le moins, trouver une épistémologie de la connaissance actionnable, pour reprendre les termes de Chris Argyris. Et puis, il faut encore s’interroger sur le type de statut des connaissances émises par les chercheurs en gestion, sachant que, quelque soit la connaissance produite, il y a nécessairement une tension vers l’action, et que, en conséquence, le chercheur ne saurait revendiquer quelque neutralité que ce soit.

 

Bibliographie

CLOT Y., 2001, « Psychopathologie du travail et clinique de l’activité », in « Clinique de l’activité et pouvoir d’agir » N° spécial de la revue Education permanente, N° 146/2001-1

CHANLAT J.F. (dir.), 1990, L‘individu dans l’organisation : les dimensions oubliées, Québec et Ottawa, Les Presses de l’Univ. Laval et éd. ESKA,

CHAPEL V., « La croissance par l’innovation intensive, le cas Téfal » , Thèse Ecole des Mines, Paris, 1997.

CROZIER M., FRIEDBERG E., 1977,L’acteur et le système, Paris, Le Seuil,.

DEJOURS C., 1990, “Nouveau regard sur la souffrance humaine dans les organisations” in CHANLAT J.F. (dir.) L’individu dans l’organisation : les dimensions oubliées, Québec et Ottawa, Les Presses de l’Univ. Laval et éd. ESKA.

DUBAR C., 1991, La socialisation – Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin.

FREUD S., 1905,  Trois essais sur la théorie sexuelle – Paris, Gallimard, 1987

FREUD S., 1920 « au-delà du principe du plaisir », in Essais de psychanalyse, Paris, Payot

FREUD S., 1915 « Pulsions et destin des pulsions », In Métapsychologie 1968 – Paris PUF

ENRIQUEZ E., L’organisation en analyse, Paris, P.U.F., 1992.

GUÉNETTE A-M (dir.), 2001, Approches psychologiques et dynamique de l’organisation, Revue économique et sociale, N°4, décembre.

GUÉNETTE A-M, ROSSI M., SARDAS J.-C. (dir.), 2002, Compétences et connaissances dans les organisations, Lausanne : SEES.

HATCHUEL A., 1990, “Production de connaissances et processus “politiques” dans la vie des entreprises – vers une théorie intégrée”, dans Actes du Congrès Mondial de Sociologie Madrid.

HATCHUEL, A., WEIL, B. ,1995, A Knowledge-based Perspective on Organizational Change- Experts in Organizations, Walter de Gruyter, Berlin.

HATCHUEL, A., WEIL, B. ,1999, « Design-Oriented Organisations, Toward a Unified Theory of Design Activities »,. 6th Int. Product Development Management Conference, Cambridge.

HATCHUEL, A., Le MASSON P., WEIL, B. ,2001 « From R&D to RID : Design Strategies and the management of innovation field », 8th Int. Product Development Management Conference, Enschede.

JACQUES E. Intervention et changement dans l’entreprise, (trad. française, vers. anglaise 1951) Paris, Dunod, 1972.

JACQUES E. Des systèmes sociaux comme défenses contre l’anxiété de persécution, (trad. française, version anglaise 1955) dans Psychologie sociale, vol. 2, Paris, Dunod, 1965.

KETS DE VRIES M.F.R. et MILLER D., 1985, « L’entreprise névrosée », Paris, McGraw-Hill.

KETS DE VRIES M.F.R. et MILLER D., 1990 “De la confusion dans les rapports entre deux personnes”, dans CHANLAT J.F. (dir.) L’individu dans l’organisation : les dimensions oubliées, Québec et Ottawa, Les Presses de l’Univ. Laval et éd. ESKA, 1990.

LAPLANCHE J., 1976, “Pour situer la sublimation”, dans revue Psychanalyse à l’université, Tome1 – N°3, juin 1976 et Tome1 – N°4, sept. 1976

LEFEBVRE P. et SARDAS J.C., 2000, « Théories des organisations et interventions dans les processus de changement », Colloque international L-P-M : « Conception et Dynamique des Organisations : Sait-on piloter le changement ? », mars 2000.

LEFEBVRE P., ROOS P., SARDAS J.C., 2001, « Rationalisation de la conception et recomposition des dynamiques professionnelles », Colloque du programme Travail, Berlin janvier 2001.

MARTIN C. , NAKHLA M. and SARDAS J.C.,1998, Integrated product-process engineering in the car industry : designing and exploring new forms of coordination, IRNOP III, Calgary.

MENDEL G., 1988, La psychanalyse revisitée, Paris, Ed. La Découverte.

MIDLER C., 1993. « L’auto qui n’existait pas : Management par projet et transformation de l’entreprise », InterEditions, Paris

de MIJOLLA-MELLOR S., 1992, Le plaisir de pensée, PUF.

MINTZBERG, H., 1982. « Structure et dynamique des organisations », Edit. d’Organisation., Paris

MOISDON J.C. et WEIL B., 1992 : « L’invention d’une voiture : un exercice de relations sociales », Gérer et Comprendre, Annales des Mines, septembre et décembre 1992.

NAKHLA M. et SOLER L.G., 1996, « Pilotage de projet et contrats internes », Revue Française de Gestion, septembre-octobre.

NAKHLA M., SARDAS J.C. 1999, « Les contrats internes projet-métier dans l ’automobile : évolution, caractérisation et perspectives », Séminaire Pratiques et Métiers de la Conception, Paris, janvier 1999.

NAKHLA M., SARDAS J.C. 2000, «  Les enjeux de la recomposition des métiers de concepteurs :le cas de l’emboutissage automobile », 2ème Colloque LPM Paris, nov 2000.

SAINSAULIEU R., 1977, L‘identité aux travail. Les effets culturels de l’organisation, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2è édition 1985.

SAINSAULIEU R., Sociologie de l’organisation et de l’entreprise, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques et Dalloz, 1987.

SARDAS J.C., 1993, « Dynamiques de l’acteur et de l’organisation », thèse en Ingénierie et Gestion, Ecole des Mines de Paris.

SARDAS J.C. 1994, “Comprendre et Gérer les mutations organisationnelles : cohérences fonctionnelles et dynamiques d’acteurs”, revue Performances Humaines et Techniques – septembre 1994.

SARDAS J.C., 1997, « Ingénierie intégrée et mutation des métiers de la conception », Réalités Industrielles, Annales des Mines, fev., 41-47.

SARDAS J.C., 2000, “ Dynamics of cooperation between different expertise in design : modes of structuring and intervention”, Workshop Collective Design, Sophia Antipolis, Mai 2000.

SARDAS J.C., 2001, “Investissement subjectif au travail et développement de la polyvalence dans les nouvelles organisations”, in GUÉNETTE A-M (dir.), 2001, Approches psychologiques et dynamique de l’organisation, Revue économique et sociale, N°4, décembre.

WEIL B., 1999, « Conception collective, coordination et savoirs, les rationalisations de la conception automobile », Thèse Ecole des Mines, Paris.

WINNICOTT D. 1947, De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot

 

[1] Professeur à l’Ecole des Mines, Claude Riveline dispense un cours d’Evaluation des coûts qui contient les prémisses de sa théorie de la gestion.

[2] Pour une vue en détail des travaux du CGS et du CRG, on se reportera aux sites respectifs de ces deux centres : http://www.cgs.ensmp.fr, et : http://crg.polytechnique.fr/

[3] Il faut toutefois préciser que les chercheurs du CRG ont choisi de dépendre du CNRS depuis la première moitié des années 90.

[4] Chercheur au CGS dont il est Directeur adjoint et responsable de l’Ecole doctorale en sciences de gestion, Armand Hatchuel est notamment le coauteur, avec Benoît Weil, de l’ouvrage L’expert et le système (Economica, 1992 ; traduction anglaise chez Walter de Gruyter) dans lequel est analysée la manière dont se construisent les savoirs des experts dans le monde industriel.

[5] Armand Hatchuel : Organisations et marchés : la place des prescripteurs, dans : A. Jacob et H. Vérin : L’inscription sociale du marché, L’Harmattan, 1996.

[6] On lira avec profit l’article de Jean-Claude Moisdon, …, paru dans Saval : …

[7] On en trouve une formulation complète dans : Claude Riveline, “Esquisse d’une nouvelle économie d’entreprise”, Annales des Mines, numéro spécial, 1977 ; et dans Michel Berry, Jean-Claude Moisdon et Claude Riveline : “Qu’est-ce que la recherche en gestion ?”, revue Informatique et Gestion, septembre-octobre 1979. On renvoie aussi à la confrontation parue dans la revue « Gérer et comprendre » entre la position de Claude Riveline, Un point de vue d’ingénieur sur la gestion des organisations, décembre 1991, et la réponse de Erhard Friedberg dans la même revue, mars 1992.

[8] R. SAINSAULIEU (1987) adopte une position semblable en parlant de “double contingence simultanée ou alternative” entre la dynamique du système social interne et les régulations adaptatives aux évolutions des contextes techniques, économiques et humains.

[9] Didier Vranken et Olgierd Kuty (Éds) : La sociologie et l’intervention. Enjeux et perspectives, Éditions De Boeck Université, collection “Ouvertures sociologiques” – préface de Michel Crozier –, 2001.

[10] E. Friedberg : “Faire son métier de sociologue surtout dans l’intervention”, dans Didier Vranken et Olgierd Kuty (Éds) ; Le pouvoir et la règle. Dynamique de l’action organisée, Le Seuil, 1993.

[11] Marc Uhalde (Dir) : L’intervention sociologique en entreprise. De la crise à la régulation sociale, Éditions Desclée de Brouwer, collection “Sociologie économique” – préface de Renaud Sainsaulieu –, 2001. Florence Osty : “Sociologie de l’entreprise et pratiques de l’intervention”, dans Didier Vranken et Olgierd Kuty (Éds).

[12] Se reporter éventuellement à l’ouvrage The New Production of Knowledge (édité par Michael Gibbons et al.), ainsi qu’à l’article de David Tranfield et Ken Starkey “The nature, social organization and promotion of management research”, British Journal of Management, 1998, 9, 341-353.

[13] Starkey distingue quatre modalités types de faire de la recherche en gestion, avec deux extrêmes : le “mode 1”, qui renvoie aux recherches académiques à caractère fondamental ; et le “mode 4” qui renvoie aux recherches exclusivement pratiques. Entre ces deux extrêmes, se situent les recherches dits “mode 2”, et les recherches de type critique sociale dits “mode 3”.

[14] Cf. le rapport présenté par Ken Starkey et Paula Madan devant le “Economic and Social council” : Bridging the relevance gap (à paraître …).

[15] Les nouvelles fondations de sciences de gestion : Éléments d’épistémologie de la recherche en management (Éditions Vuibert, 2001),.coordonné par A. David, A. Hatchuel et R. Laufer.

[16] Il a présenté sa position devant le “Economic and Social council”. Cf texte à paraître : The two pillars of new management research.