14 mai 2024
Aider les proches aidants

Aider les aidants

À propos de l’ouvrage Aider les proches aidants : Comprendre les besoins et organiser les services sur les territoires, Sébastien Gand, Léonie Hénaut et Jean-Claude Sardas, éditions des Presses de l’École des Mines, 2014, 190 pages.

Interview paru dans L’Agefi, supplément mensuel INDICES, février 2015.

J.-C. Sardas en 5 dates :

  • 1955: naissance à Alexandrie.
  • 1978: entrée au CGS après une formation d’ingénieur.
  • 1981, 1982, 1984: mariage avec Fabienne ; naissances de David et Jonathan.
  • 1993: doctorat « Dynamiques de l’acteur et de l’organisation » sous la direction de Jean-Claude Moisdon.
  • 2002: direction du master Gestion et Dynamique des Organisations.

S. Gand en 5 dates:

  • 1978: naissance à Bar-le-Duc en Lorraine.
  • 2004, 2010, 2013: Juliette, Anna et Jeanne.
  • 2008: Soutenance de thèse sous la direction de Jean-Claude Sardas.
  • 2009: Post-doc à la Stockholm School of Economics.
  • 2014: Sortie de l’ouvrage « Aider les proches aidants ».

Perspective:

Sébastien Gand et Jean-Claude Sardas, chercheurs au CGS (Centre de gestion scientifique) de l’école des Mines Paris-Tech où ils sont professeurs.

Dans le contexte du vieillissement des populations de nos pays, une catégorie d’acteurs joue un rôle crucial : les proches aidants (conjoints, enfants, fratrie, voisins, amis) qui, globalement, procurent 80% de l’aide reçue par les personnes âgées en perte d’autonomie. Cela nécessite le développement de manière structurée et cumulative une politique publique de soutien et d’accompagnement des aidants, ce, au niveau infrarégional. Comment aider les aidants ?

 Interview:

En quoi la question des aidants est-elle aujourd’hui critique ?

La problématique de la santé et du soutien aux proches aidants est un corollaire du processus démographique de vieillissement de nos sociétés. En 2060, environ un tiers des populations d’Europe aura plus de 60 ans. Pour la première fois de l’humanité, nous devenons une société de « vieux » ! La vieillesse amène des dégradations des capacités physiologiques et cognitives qui peuvent conduire à une perte d’autonomie. Pour assurer leur maintien à domicile, choix politique datant des années 1980, les proches de ces personnes dépendantes sont sollicités pour diverses tâches, toilette, transferts, repas, surveillance, soins, etc., qui les mobilisent énormément et de manière pratiquement continue dans le cas de maladies neurodégénératives. En France, on dénombre déjà plus de quatre millions d’aidants, et cela ira croissant.

Quelles sont les difficultés à évaluer les besoins de soutien aux aidants ?

La première difficulté est d’atteindre les aidants ! Nombre de personnes ne se reconnaissent pas comme aidants et trouvent « naturel » ce qu’ils font pour leur proche. Ils refusent souvent d’être aidés et l’un des enjeux pour les professionnels est d’arriver à évaluer les situations et leurs risques, notamment de maltraitance réciproque, avant que l’aidant ne s’épuise. Ainsi, pour des aidants réfractaires à être soutenus, une des premières actions des travailleurs sociaux est de chercher à comprendre comment l’aidant se projette dans son rôle et comment il est possible d’accompagner la dyade aidé-aidant dans son ensemble en respectant les choix personnels. Cela peut prendre du temps, mais le travail des professionnels à partir des difficultés rencontrées par l’aidant permet de faire évoluer la posture des aidants. Mais il manque encore une grille d’évaluation spécifique aux besoins des aidants, pour laquelle nous proposons un cadre d’analyse.

Justement, que propose votre ouvrage ?

À l’origine du livre, il y a tout d’abord une recherche de deux ans menée en France à la demande de la CNSA (Ndlr. Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, créée en 2005). Notre premier constat a été que les approches de la problématique du soutien aux aidants peinaient à articuler la qualification des besoins et les réponses organisationnelles sur les territoires. L’ouvrage cherche précisément à travailler cette articulation. Il propose une modélisation des besoins des aidants selon quatre dimensions que nous avons reprises d’un modèle d’analyse de la capacité pour un acteur au travail à assumer son rôle, car nos études empiriques montrent qu’il en va de même pour un aidant : tout d’abord l’aidant a-t-il les capacités physiologiques pour assumer les tâches demandées ? Deuxièmement, comprend-il la maladie de son aidé, ce que nous appelons la maîtrise cognitive ? Troisièmement arrive-t-il à gérer la relation avec les différentes parties impliquées dans la situation – aidé, famille, professionnels ? Enfin, quelle représentation subjective a-t-il de sa capacité à assumer son rôle et quel est pour lui le sens de son rôle d’aidant ? Une telle analyse permet à un travailleur social de cerner et hiérarchiser les besoins de soutien et d’élaborer un plan d’aide qui dépend cependant aussi des ressources financières et de services existants.

Comment est-il possible de structurer l’offre de service ?

La difficulté pour les pouvoirs publics est qu’il n’y a pas une bonne solution réplicable partout. Le déploiement de services dépend, outre l’existence d’autonomies politiques locales, de l’historique et du dynamisme de certains acteurs, qui prennent souvent une place importante localement comme certaines associations par exemple. Nous proposons dans l’ouvrage une démarche de cartographie articulant besoins et réponse organisationnelle qui a pour objectif de produire des plans d’action cumulatifs, en partant de l’existant pour enrichir progressivement la palette de services en tenant compte des spécificités de chaque territoire. L’enjeu est d’éviter les politiques de saupoudrage et d’opportunisme de financement qui ne produisent pas de structurations pérennes.