À propos de l’ouvrage Les pratiques de gestion des ressources humaines. Approches contingente et politique, Jean Nizet et François Pichault: Collection Points, Le Seuil, 2000.
Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 25 février 2000.
Ressources humaines. Ces deux mots remettent en mémoire des drames personnels, familiaux, sociaux. Des drames humains qui ont à coup sûr terni l’image de la fonction organisationnelle dévolue à la «gestion» des hommes et des femmes. Réduites au simple rôle de courroie de transmission de décisions stratégiques prises en d’autres lieux, les DRH sont devenues les parangons d’un certain malaise contemporain. Le tout nouvel ouvrage de deux auteurs belges vient très probablement apporter un peu de maturité à la réflexion dans ce domaine, en comblant notamment une lacune lourde de conséquences chez un grand nombre de gestionnaires: l’analphabétisme en matière organisationnelle.
Les coordonnées théoriques sur lesquelles se basent Jean Nizet et François Pichault leur permettent de proposer une approche concrète, méthodique et pratique d’analyse du changement organisationnel. Ils empruntent d’abord au théoricien canadien Henry Mintzberg ses travaux relatifs aux structures organisationnelles qu’ils revisitent au passage. Puis au Britannique Andrew Pettigrew son mode d’analyse des contextes stratégiques. Afin d’intégrer les caractéristiques formelles et informelles pour arriver à une appréhension la plus fine possible des évolutions concrètes qui traversent les organisations, ils font enfin appel aux apports des tenants de la sociologie des organisations, Michel Crozier et Erhard Friedberg, notamment à leurs analyses en termes de relations de pouvoir.
L’ouvrage de nos auteurs repose sur un certain nombre de cas pratiques qui viennent appuyer leur proposition centrale: la nécessité de gérer les ressources humaines de façon contingente. Qu’est-ce à dire? Une attitude fautive de nombreux soi-disant spécialistes du management consiste à considérer que des solutions valent quelles que soient les particularités des organisations en analyse. Ils appliquent alors naïvement, parfois cyniquement, les mêmes recettes, qu’il s’agisse d’un groupe industriel, d’un hôpital ou d’une institution à caractère social. Il y a longtemps déjà, des auteurs comme Mintzberg se déprirent pourtant de cette fâcheuse tendance à la «solution unique». Il était grand temps que des auteurs développent enfin une approche contingente en matière de gestion des ressources humaines. Celle de François Pichault et Jean Nizet est particulièrement convaincante.