14 mai 2024
L'acte est une avenutre

Voir le bout de ses actes

À propos de l’ouvrage de Gérard Mendel: L’acte est une aventure: du sujet métaphysique au sujet de l’acte-pouvoir, éditions de la Découverte, 1998, 570 pages

Paru dans le cahier CARRIÈRES du journal Le Temps du 26 février 1999, rubrique Le Livre de la semaine.

Dans un livre précédent, La société n’est pas une famille (même éditeur, 1992), Gérard Mendel défendait l’idée que, après le contexte familial dans lequel se développe la personnalité, celle-ci continue de se construire dans un contexte social, à travers le travail, de l’école à l’entreprise. Selon lui, ces deux instances, familiale et sociale, ne doivent pas être confondues au risque d’un appauvrissement de la personnalité. L’idée de liberté et celle de capacité de création l’ont conduit, parallèlement, à réfléchir, avec des membres de son groupe de réflexion, aux possibilités d’une entreprise qui fonctionnerait démocratiquement. Ainsi, dans Vers l’entreprise démocratique (même éditeur, 1993), sur la base de l’analyse d’un cas pratique d’entreprise, il affirmait la conviction sur laquelle repose sa démarche: «Il existe en tout individu une force qui le pousse à s’approprier l’acte qu’il accomplit. Autrement dit, à souhaiter voir le bout de ses actes.» Avec un concept central, celui d’«acte-pouvoir»: «Le mouvement d’appropriation de l’acte nous paraît à la racine de tout désir de liberté», précisait-il.

Avec une intention. Celle de contrer les aspects néfastes de la division du travail sur le développement de la personnalité. En avant-propos à son dernier livre, Gérard Mendel prévient: «Une ambition sans doute excessive mène ce livre. D’une part, la tentative de dépasser la conception métaphysique du sujet qui nous paraît prévaloir aujourd’hui et, d’autre part, l’essai d’une reconquête de la réalité objective.» L’auteur précise donc ses réflexions et montre pourquoi il est plus avantageux de penser à partir de la notion d’acte que celles d’être et d’action. Il va ainsi à l’encontre des développements de la pensée philosophique occidentale: «L’acte reste un impensé majeur de notre culture», écrit-il. Et il s’efforce de participer à la fondation d’une éthique universaliste débarrassée de toute transcendance: en bref, une éthique immanente. Au début de l’ouvrage, la figure d’Ulysse prend la place de celle d’Œdipe; à la fin, l’approche psychanalytique de Winnicott est préférée à celle de Freud. Telle est la destinée, l’aventure de l’acte.