15 mai 2024
crise économique

Quand la fiction rattrape la réalité

À propos de l’ouvrage WHOOPS ! Why everyone owes everyone and no one can pay, (titre de l’éd. américaine : IOU !), de John Lanchester, Éditions Allen Lane / Penguin Books, 2010, 220 pages.

Compte-rendu paru dans L’Agefi, supplément mensuel INDICES, 

Le besoin de comprendre ce qui est arrivé à travers cette crise systémique où bien des choses nous échappent qui touchent pourtant à nos existences, paraît incontournable à John Lanchester. Mettre des mots sur des faits, les nommer pour les affronter et en accepter la réalité, est un exercice salutaire, estime-t-il… pour au moins une bonne décennie !

Ce n’est certainement pas le dernier ouvrage à offrir un diagnostic pour comprendre comment on a pu en arriver là, tant il est vrai que les mécanismes qui ont produit la crise sont loin d’avoir été tous mis au jour. Emballement incontrôlé d’un système devenu fou ? Erreurs d’appréciation des acteurs économiques et financiers ? Sentiment de protection dont les dits se seraient sentis munis ? Inconscience ? Cynisme ? Conjonction de tous ces éléments entre autres encore ?…

D’autres analyses et témoignages suivront pour mieux appréhender : Pourquoi ? Comment ? Et : Combien ?… car, montre Lanchester, les montants astronomiques ne cessent d’enfler.

Qu’apporte ce livre de singulier ? Une bonne connaissance du secteur bancaire de la part de l’auteur et une culture profonde, le tout allié à un style littéraire assuré et un humour décoiffant. Fils d’un banquier « old fashion » en Asie où il a vécu jeune, John Lanchester est romancier. Un auteur de fiction qui, de son propre aveu, n’aurait jamais osé présenter à un éditeur une histoire aussi extravagante. La réalité dépasse souvent la fiction qu’ici l’auteur s’attache à rattraper.

Le texte s’ouvre par un passage d’Annie Hall de Woody Allen, suivi de sept chapitres à vous donner le tournis traitant : de la « reykjavikation » du monde, des prix des options, de la désolation urbaine, des génies des mathématiques et de l’« erreur fondamentale » (lié au fantasme de la disparition du risque), des senteurs de la crise et, finalement, de l’addition. « The bill », comme un principe de réalité d’un démocrate et pro-capitalisme convaincu, qui pense que l’absence d’un contrepoids idéologique a conduit les pays industrialisés occidentaux à ne plus se tenir et à dérailler.