15 mai 2024
Métier de dirigeant

Éthique de la parole

À propos de l’ouvrage Les deux Bourque, côté cour, côté jardin: Grandeurs et misères du métier de dirigeant, d’Alain Chanlat, éditions des Presses de l’Université Laval, 1998, 267 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 4 décembre 1998.

Alain Chanlat s’intéresse à la légitimité de la direction d’institutions: au métier de dirigeant. On aurait de la peine à croire que diriger est un métier, lorsqu’on constate les comportements pour le moins limites d’un bon nombre de dirigeants d’entreprises et d’administrations publiques. A ce propos, l’auteur trace, dans une partie haute en couleur, les portraits types de ces dirigeants pathologiques: le «technocrate fossoyeur d’institutions, analphabète des relations interpersonnelles», le «pseudo-entrepreneur adepte du capitalisme financier», le «dirigeant d’opérette à la réputation surfaite» et le «magouilleur». La démarche de cet universitaire, professeur des HEC de l’Université de Montréal, peut être caractérisée en trois grands traits. Intégrant à son enseignement les principaux apports des sciences humaines et sociales, il a bâti une pédagogie basée sur l’interdisciplinarité. Prônant une approche humaniste de la gestion, à l’administration des choses, notre auteur défend mordicus l’«inéchappable» impératif d’un gouvernement des personnes. Marqué notamment par la philosophie grecque antique, il est convaincu que la réhabilitation de la vie politique passe par la gestion des centres de gravité des activités économiques que sont les grandes cités modernes. L’auteur a commencé à s’intéresser au début des années 1990 à la politique municipale de sa ville, Montréal, et contribua largement à l’élection il y a quatre ans d’un nouveau maire, présumé homme de métier. Or, il a suffi de moins de quatre mois pour voir s’envoler les espoirs mis dans ce candidat qui n’a pas tenu parole. «Ce livre est le récit d’un échec, celui du maire Bourque et le mien, mais également l’effort d’un professeur de gestion pour saisir ce qui s’est passé, démonter, si possible, les logiques en présence et proposer des réflexions et des leçons plus générales pour l’avenir», écrit l’auteur. Thèmes: légitimité des dirigeants; rôle des conseillers du Prince; management et pragmatique du métier; humanisme et gestion. Thèse: la parole est cœur du métier du dirigeant. Proposition: l’éthique du management doit être une éthique de la parole. Quatre actes: les deux premiers ont trait à l’irrésistible ascension puis aux cent premiers jours du nouveau maire; les deux autres renvoient aux analyses et réflexions. On ne peut que conseiller ce riche ouvrage qui brille d’une lumière vive au rayon des livres de management. Et qui inaugure sans doute un nouveau style dans ce domaine.