14 mai 2024
Parle-moi d'emploi

Des clubs pour l’emploi

À propos de l’ouvrage Parle-moi de l’emploi… D’une nécessaire réflexion sur le chômage à des expériences pratiques pour l’emploi, de Thierry Benoît, Collection «Questions contemporaines», L’Harmattan, 2001, 345 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 11 mai 2001.

«Le plein emploi qu’on nous fait miroiter s’accompagnera d’un chômage dit structurel revu sans cesse à la hausse et d’un nombre important de laissés-pour-compte et d’exclus de cette croissance qui nous plongera, si l’on n’y prend pas garde, dans une société de plus en plus inégalitaire», prévient Thierry Benoît, pour lequel il est nécessaire que la collectivité, pour dépasser les solutions simples, se pose la question de la redistribution des richesses. Une solution simple, c’est par exemple celle du premier ministre français tançant: «Il faut passer de l’assistance à l’emploi…»!

Trois principaux moments rythment l’ouvrage de notre auteur. D’abord, dans la 1re partie, Thierry Benoît montre comment dans différents pays (Etats-Unis, Canada, Allemagne, Pays-Bas, France), on compte et recompte les chômeurs pour mieux masquer la réalité. Par exemple dans le premier, où le chiffre est établi après un simple sondage et où il suffit d’avoir effectué une heure de travail dans la semaine pour ne pas faire partie du nombre des chômeurs. Franchement, que penser dès lors d’un chiffre s’élevant à 4% établi dans de telles conditions et dont on nous rebat les oreilles incessamment? Par exemple encore, le cas des Pays-Bas, loués et montrés en exemple dans tous les journaux «sérieux», alors même que si le nombre des chômeurs baisse, c’est uniquement parce qu’en même temps celui des inaptes au travail monte (en 1995: 773 000 chômeurs contre 853 000 inaptes!) Thierry Benoît entreprend, dans un deuxième moment, des analyses de type sociologique. En deux temps. Dans le premier (2e partie), il met en perspective les notions de travail, d’emploi et de chômage depuis un siècle, et pointe les représentations contemporaines qui y sont liées: l’idée est ici de montrer comment les personnes en charge de ces questions, à travers des agences gouvernementales notamment, construisent des catégorisations propres à éloigner les chômeurs de la société, de l’emploi et de la norme. Dans le second (3e partie), il montre combien la complexification croissante des construits institutionnels complique la question du passage du monde du chômage à celui de l’emploi en prenant la question du seul point technique. Après ces analyses réflexives, l’auteur termine sur l’expérience des «Clubs emplois» dont il est à l’origine en France, et probablement aussi en Europe francophone, et dont le but est de permettre à nombre de chômeurs d’adopter des comportements de nature à trouver un travail.

On lira d’autant plus l’ouvrage de Thierry Benoît que celui-ci est un homme de terrain qui réfléchit à partir de son action pratique. Un homme de parole aussi et de questionnements. Un homme qui, à une époque de manipulations idéologiques sans précédents, nous appelle au simple devoir de vigilance.