14 mai 2024
Bien communiquer langue allemande

Comment bien coopérer avec les alémaniques

À propos de l’ouvrage Bien communiquer, travailler et négocier avec vos interlocuteurs de langue allemande. Allemagne, Autriche, Suisse alémanique, Christina Cazorzi, Silvia Didier et Vincent Montenero, éditions AFNOR, 2014, 286 pages.

Interview paru dans L’Agefi, supplément mensuel INDICES, septembre 2014.

V. Montenero en 5 dates:

  • 1980: épouse une Autrichienne.
  • 1987: rejoint le Groupe BASF où il occupera plusieurs fonctions commerciales (notamment directeur général des filiales suisse et autrichienne).
  • 2007: fait partie de la première promotion du Master en Management Interculturel de Paris Dauphine.
  • 2008: crée le Cabinet-conseil Emc-2 à Paris.
  • 2013: devient Maître de Conférences Associé à l’Université de Lille 1 (Master in Management of European Affairs).

Perspective:

Vincent Montenero, coach d’entreprise, consultant interculturel, maître de conférences associé à l’Université Lille 1.

Son parcours est marqué par l’international. Né dans une famille italienne, son histoire personnelle et professionnelle l’a toujours porté vers des pays de langue allemande. Dans le cadre de ses activités d’affaires, il a notamment créé une filiale de distribution en Suisse (Canton de Zurich) et restructuré une filiale autrichienne (Land de Salzbourg) et managé des équipes allemandes, autrichiennes et suisses. Aujourd’hui consultant dans le domaine de l’interculturel et coach d’entreprise, il a fondé le cabinet de conseil emc-2. Il gère des formations de spécialisation à l’international dans une haute école.

Interview:

Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre ?

La plupart des publications qui traitent de commerce international s’intéressent à des pays lointains, Chine, Inde, Brésil ou autres. Les hommes d’affaires français partent souvent du principe que l’Union européenne a gommé les différences qui pouvaient exister entre les divers pays européens. Or, si l’environnement règlementaire et économique a bien été harmonisé, c’est loin d’être le cas pour la pratique quotidienne des affaires. Je suis par exemple étonné de voir à quel point les Français ont du mal à comprendre le fonctionnement des institutions allemandes, ceci malgré le nombre élevé de programmes de coopération franco-allemands mis en place depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ! Par exemple, ne pas intégrer la dimension fédérale de l’Allemagne et appliquer une approche centralisatrice peut entraîner de nombreuses erreurs. Dans ma pratique quotidienne, je remarque que cette tendance à appliquer des modèles culturels hexagonaux amène souvent les responsables qui sont en contact avec des partenaires allemands à décrire des organisations gérées de manière quasi militaires par leurs dirigeants, ceci alors que la prise de décision se fait en Allemagne presque exclusivement par consensus et que les entreprises y ont mis en place un nombre inégalé de procédures de « codétermination » (Mitbestimmung)…

Par ailleurs, lors de la définition du projet avec l’AFNOR, nous avons insisté sur la nécessité de couvrir les trois pays alémaniques. S’il existe en effet de nombreux ouvrages qui traitent de relations franco-allemandes, on s’intéresse rarement aux spécificités culturelles des marchés suisses et autrichiens. Or, aborder ces pays on y appliquant la même approche qu’en Allemagne peut entraîner de nombreuses incompréhensions.

Quelle différence(s) notable(s) tirez-vous de votre expérience internationale entre Allemands et Suisses alémaniques ?

Si ces deux pays possèdent de nombreuses valeurs communes, la dimension communautaire joue un rôle beaucoup plus important en Suisse. Aucune entreprise ne peut y fonctionner avec succès si elle ne respecte pas l’ensemble des parties prenantes locales. Cette spécificité peut se traduire par une certaine lenteur à la prise de décision, mais aussi par une acceptation immodérée des particularismes. Les Suisses alémaniques ont souvent du mal à comprendre les politiques standardisées de beaucoup d’entreprises françaises. Il faudra chaque fois expliquer et convaincre, mais surtout être prêt à faire des concessions. Par ailleurs, la société suisse alémanique est tendanciellement égalitaire. On y accepte les différences produites par le travail, qui se traduisent le plus souvent par des disparités de revenus, mais on rejette toute forme d’élitisme qui tiendrait à la naissance, l’éducation ou autre… Pour convaincre les clients suisses alémaniques, il est ainsi préférable de rester le plus factuel possible, très près des caractéristiques intrinsèques du produit. Et bien sûr ne pas imaginer de « coups ponctuels », mais cibler l’ensemble d’une communauté spécifique.

En quoi les pays germaniques constituent-ils, selon vous, une chance pour la France ?

Ce sont des pays caractérisés par un fort pouvoir d’achat continu dans le temps. Ces marchés sont à la fois d’un accès facile par la distance et l’absence de contraintes règlementaires spécifiques et d’un abord très ardu de par les exigences élevées des clients. Une expérience positive dans l’un des pays alémaniques se répercute sur l’ensemble de l’entreprise. La France connaît un déficit accru avec ces pays qu’elle doit absolument compenser.