14 mai 2024
fin du travail

L’avenir du travail

À propos de l’ouvrage Pour en finir avec la fin du travail, de Anne-Marie Grozelier, Éditions de l’Atelier, 1998, 207 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 18 septembre 1998.

Il n’y a pas si longtemps, certains auteurs annonçaient l’inéluctable fin du travail. Parmi les plus populaires, le consultant américain Jeremy Rifkin (La fin du travail, La découverte, 1996), et la philosophe française – œuvrant au sein du Ministère français du Travail -, Dominique Méda (Le travail, une valeur en voie de disparition, Aubier, 1995). Leurs thèses sont discutables, soutient en quelque sorte Anne-Marie Grozelier dont le récent ouvrage s’inscrit à leur encontre. Trois temps. D’abord, parce que l’auteur reproche aux défenseurs de la thèse de la fin du travail de décrire une situation erronée, ou à tout le moins trompeuse, elle s’emploie à offrir des éclaircissements sur la situation réelle du chômage et de l’emploi.

La première partie, rigoureusement documentée, comprend des aspects parfois techniques qui ajoutent à la justesse d’une mise en perspective historique – sont notamment convoquées des données démographiques. Plusieurs notions, dont la signification a nécessairement subi des transformations au fil du temps, sont précisément situées, et définies: chômage et emploi, mais aussi insertion, exclusion, précarisation, temps partiel, travail hors normes et emplois atypiques, etc. Des conséquences sont pointées, notamment celle ayant trait aux femmes, grandes perdantes si les tendances se poursuivent. Anne-Marie Grozelier opère ainsi un recadrage. Ensuite, plutôt que d’avancer, à l’instar des défenseurs de la fin du travail, que la précarisation est devenue une situation inéluctable, elle s’attache au contraire à montrer les raisons pour lesquelles on en est arrivé à une situation sociale déplorable. A dessein de montrer que l’on peut changer de direction. Les raisons sont donc l’objet de la deuxième partie, où sont présentés et développés les effets conjugués: des politiques publiques, de l’affaiblissement des relations sociales, des changements dans l’organisation de la production, de la baisse du coût du travail et de la «financiarisation» de l’économie. Enfin, l’auteur discute les thèses de plusieurs laudateurs de la fin du travail. Mettant au jour les présupposés implicites qui les sous-tendent, elle en précise les limites et les réfute une à une. «Le travail est dans nos sociétés une réalité trop centrale pour être limitée à un examen purement économique, aussi est-il temps de prendre l’emploi au sérieux», défend Anne-Marie Grozelier. Son ouvrage fournit les principales pièces relatives au dossier du travail et de l’emploi, et permet de se faire une idée précise des débats; éventuellement de prendre position.