15 mai 2024
Le modèle français: grandeur et décadence

Limites du modèle français

À propos de l’ouvrage Le modèle français: grandeur et décadence, de Jacques Lesourne, éditions Odile Jacob, 1998, 205 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 23 octobre 1998.

«La France est mal dans son être», écrit l’économiste Jacques Lesourne dont l’ouvrage repose sur deux convictions. La première: «L’état dépressif de notre pays vient de notre sentiment que nos problèmes sont insolubles, parce que nous n’en comprenons pas la genèse et que nous sommes incapables de déchiffrer le présent»; la deuxième: «La France est malade dans ce qu’elle a de plus précieux, l’État et le système de régulation dont il est le centre. Longtemps fer de lance de notre pays, il en est maintenant l’un des problèmes.»

Pour sortir cet état, avance l’auteur, il convient que la société française intériorise «plusieurs phénomènes sans la compréhension desquels elle n’a aucune chance de reprendre la maîtrise de son avenir.» Lesourne se lance alors dans l’explication de trois phénomènes majeurs: d’abord le passage d’une société industrielle à une société d’information, véritable tremblement de terre, ensuite le processus de mondialisation, et enfin le vieillissement démographique. Ces mises en perspective lui permettent d’asséner quelques leçons de réalisme économique en matière de système de prix et de commerce international, notamment, avant d’aborder le cœur de son propos: l’essence du modèle français et sa nécessaire transformation. En gros, le modèle français était adapté à une période de croissance: «Le mal français vient de ce que, pendant les trente glorieuses, la France a été, sur le plan économique, une Union soviétique qui a réussi.» Partant de l’idée qu’«au seuil de la société d’information et de la globalisation, la France n’a pas les corps intermédiaires dont elle a besoin», il propose finalement, à la manière de Descartes, quelques règles pour la direction du changement. Lesourne prône au fond une troisième voie, un libéralisme tempéré entre le repli sur soi et la thatchérisation: libéralisons le système, tout en restant fidèles aux valeurs qui le sous-tendent. Pas toujours convaincants, les propos de l’auteur relatifs au système étatique de notre voisin et les privilèges dont bénéficient ses représentants sont tout de même édifiants. Et la conception relative à l’emploi dans tout ça? Lesourne maintient un point de vue sur le chômage qu’il défend depuis longtemps. Pour lui, une des solutions pour favoriser l’emploi consiste à baisser de façon drastique les charges sociales sur les salaires des personnes les moins qualifiées, menacées d’être exclues sinon. Il s’oppose par là à une autre conception qui prône au contraire des solutions par le biais de réorganisation du travail lui-même, cette seconde solution supposant que les entreprises misent sur une formation constante de leur personnel. Débat crucial.