16 mai 2024
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Réussir le changement

À propos de l’ouvrage La stratégie du projet latéral: comment réussir le changement quand les forces politiques et sociales doutent ou s’y opposent, d’Olivier d’Herbemont et Bruno Césa: Dunod, 1998, 232 pages.

Compte-rendu paru dans les pages Carrière du journal Le Temps, rubrique Le livre de la semaine, le 10 juillet 1998.

La stratégie est un ressort basique de l’activité humaine. Ce que l’on a fait avec le plus de constance depuis la nuit des temps, c’est bien de batailler. Dans sa Philosophie de la guerre (PUF), l’historien de la pensée Alexis Philonenko le rappelle. Dans les 1500 pages de son Anthologie mondiale de la stratégie: des origines au nucléaire (Robert Laffont, «Bouquins»), Gérard Chaliand le confirme. Mais il n’en est pas moins vrai aussi qu’à mesure que se développe le processus démocratique, et avec lui l’individualisme, un sentiment prégnant de crainte de l’affrontement, d’évitement de tout ce qui pourrait s’apparenter à la violence, s’affirme. Dans son ouvrage «L’ère du vide», le philosophe Gilles Lipovetski le remarque, à la suite de l’Américain Christopher Lasch dans «Le culte de Narcisse». Olivier d’Herbemont et Bruno César ont créé leur propre cabinet de conseil, après avoir travaillé chez Bossard Consultant (!). La thèse de leur ouvrage, «La stratégie du projet latéral», est à l’effet que lorsque l’opposition à un projet de changement est forte, ledit projet doit être «latéralisé»: c’est-à-dire «reconçu» avec et par les différentes parties prenantes sans qu’il soit perverti ou détourné de son objectif premier. Dialogue avec les individus, expertise dans la mobilisation des alliés, et capacité à enclencher une dynamique sociale président à la mise en œuvre de ces projets dits latéraux. Ce livre de stratégie d’entreprise en est un de terrain: de nombreuses anecdotes et des exemples illustrent les propos des auteurs. Il s’adresse à des personnes s’intéressant aux mouvements d’opposition, à la formation des opinions et aux rouages des relations conflictuelles. On peut situer ce livre dans la tradition de la «stratégie» que l’on définit après d’autres comme «l’intelligence des rapports de forces». Ou «science des positions». Parmi les principes proposés par les deux auteurs, on remarquera celui, central, consistant à contourner l’obstacle. Et l’autre, corollaire, visant à manipuler en s’aidant d’allié. Machiavel n’est pas loin pour qui la stratégie visait à conquérir le pouvoir dans un premier temps, puis à la conserver. La fin justifiant les moyens, ceux proposés par d’Herbemont et César pourront être utiles aux hommes et aux femmes d’action qui agissent dans un milieu hostile, ou à tout le moins passif, et qui doivent emporter l’adhésion de personnes, prévient l’éditeur.