À propos de l’ouvrage «Réussir son burn-out: Récits de résistantes» de Corinne Le Bars, préface de Pascale Molinier, éditions Érès, 186 pages, 29 francs ISBN 978-2-843-77232-0
Texte inédit.
Docteure en Sciences de l’Éducation, Corinne Le Bars est biographe-auteure pour autrui, spécialiste des récits de vie.
L’auteure en 5 dates:
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1984: la naissance de ma fille
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1987: la naissance de mon fils
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2012: la soutenance de ma thèse
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2014: mes premières publications
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2019: mon licenciement pour un burn-out
Introduction:
Corine Le Bars ne pense pas qu’un burn-out est une chose anodine et que l’on en sort facilement. Elle a mené une expérience de récits de vie avec des femmes ayant connu comme elle dit: cette «maladie» de l’estime de soi. Des femmes qui ont finalement réussi à se relever. Exemples.
Interview:
En quoi pouvez-vous affirmer que le burn-out touche les personnes les plus engagées?
Pendant mon burn-out, j’ai été contactée par le service social de l’assurance-maladie, qui s’inquiétait de mon long arrêt de travail, et qui m’a proposé une intervention sociale de groupe. Les 7 femmes avec lesquelles je me suis retrouvée durant plusieurs mois étaient des professionnelles très passionnées, qui avaient un idéal de leur métier et qui avaient énormément travaillé.
Par la suite, 5 d’entre ont créé l’association Les Patientes expertes de la souffrance au travail et avons fait les mêmes constats dès les premiers échanges avec les adhérents. Et nos lectures n’ont fait que nous conforter dans cette hypothèse.
Cela n’est pas difficile à comprendre: le burn-out, qui est l’expression paroxystique de la souffrance au travail, se caractérise par une chute brutale, vertigineuse, et non préparée. Plus l’engagement au travail est fort, plus dure est la chute. Plus le rocher auquel on s’attaque est haut et escarpé, plus on risque de se casser la figure.
Pour vous, le burn-out ne se conjugue pas de la même façon au féminin qu’au masculin: pouvez-vous expliquer en quoi?
Les assistantes sociales qui ont réuni le groupe auquel j’ai appartenu en 2019 n’ont pas réussi à y faire entrer un seul homme. Les hommes répugnent en général à parler de leurs douleurs intimes (et ce n’est pas spécifique au burn-out). Dans la situation qui nous occupe aujourd’hui, le malaise à s’exprimer est sans doute d’autant plus grand que cette souffrance touche au travail. Un homme a le plus souvent davantage d’ambition qu’une femme. Il est encore (trop?) imprégné voire encombré de l’idée que non seulement il ne doit pas faillir mais qu’il doit réussir, et que cette réussite passe par l’avancement, la promotion et pas nécessairement par le bien-être. Alors, quand il est concerné par la souffrance au travail, cela vient peut-être réveiller quelque chose d’une virilité qui serait mise à mal.
Il faut ajouter que les femmes ne sont pas tout à fait considérées de manière équivalente dans les milieux de travail: quand elles arrivent à des postes à responsabilités par exemple, on leur en demande souvent plus qu’aux hommes.
Si on ajoute à cela le fait que les femmes qui ont des enfants encore jeunes ont généralement une charge réelle et mentale plus lourde que celle de leurs conjoints, on peut comprendre qu’elles soient un tantinet plus à risque de burn-out que les hommes.
Le titre de votre ouvrage parait un tantinet provocateur, comme si le burn out était un «merveilleux malheur» comme pourrait dire B. Cyrulnick…
Les contributrices et moi-même avons été excédées par certains titres de livres du type: Reprenez le travail après 15 jours de burn-out. Nous avons donc voulu copier un peu cyniquement ce type de titre et avons souhaité montrer ce que Boris Cyrulnik pourrait appeler notre «chemin de résilience». Ce livre est un peu le making-off du précédent: il montre que l’on peut «guérir» du burn-out ou plutôt se rétablir progressivement.
D’autre part, lorsque l’on a pu prendre un peu de recul, nous nous sommes rendu compte que nous n’appréhendions plus le monde de la même manière: nous savions ce que nous n’étions plus prêtes à accepter; nous avions la capacité à nous recentrer sur l’essentiel (et l’essentiel n’était plus le travail); certaines d’entre nous se décidaient enfin à faire ce dont elles avaient toujours rêvé. Plus prosaïquement, le burn-out, aussi douloureux qu’il soit, était devenu peut-être l’opportunité de vivre mieux. Et surtout d’être plus à l’écoute de nous-même, de notre corps, que nous avions totalement oublié pendant que nous luttions pour ne pas sombrer et qui s’est rappelé à nous avec la plus grande violence qui soit.
Écrire semble pour vous être une voie de Guérison: ai-je bien compris? Dans quelles conditions?
J’ai rédigé une thèse sur les bénéfices de l’écriture autobiographique suite à des traumatismes de guerre et j’ai mis en évidence quatre bienfaits essentiels:
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cela ne surprendra personne: l’écriture permet la libération,
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elle garde une trace et donne un sentiment de pérennité,
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elle permet surtout de se former, c’est-à-dire de mieux se connaître soi-même, de se découvrir ou de se redécouvrir,
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elle favorise enfin la transformation de l’épreuve en expérience, qui devient alors transmissible.
Mais pour que l’écriture soit salvatrice, il faut qu’elle métabolise vraiment le souvenir et quitte le ressassement, le besoin de vengeance. L’exigence esthétique est fondamentale: il faut mettre du beau là où il y a eu du laid. C’est en prenant soin du récit que la personne prend soin d’elle.
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